Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 18 juillet 2019 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Le 15 mai dernier, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018. Après avoir été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, même si nous y étions opposés, ce dernier a été rejeté au Sénat, puis par la commission mixte paritaire qui s'est réunie récemment. Nous voici donc de nouveau réunis, en cette fin de session extraordinaire, pour une nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget – un budget que nous connaissons tous bien, un budget auquel nous nous sommes farouchement opposés et auquel nous ne souscrirons pas davantage aujourd'hui.

Au fil des derniers mois, tout a été dit, ou presque, à propos de la loi de règlement du budget 2018. Ce budget, c'est celui de la compétitivité fantasmée et de la fracture sociétale. C'est celui de la dérégulation, des grandes entreprises et des grandes fortunes. La France s'est parée de ses atours les plus libéraux pour tenter d'attirer les investisseurs. Selon vos critères, le succès est présent, sans aucune remise en question possible ; mais à quel prix ? Quels ont été les sacrifices des uns et les cadeaux faits aux autres pour en arriver là ?

Le budget de l'année 2018 aura été celui des riches. Nous l'avons contesté avant son adoption, et nous resterons dans cette lignée. C'était un budget électoraliste, qui a été pensé pour les plus aisés et financé sur le dos des moins fortunés. C'est un budget qui a orchestré la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, les coupes brutales dans les APL, la baisse de l'impôt sur les sociétés et la diminution, plus globale, de la contribution des entreprises à l'effort national. C'est ce budget qui a fragilisé la confiance des Français en la République et nourri une gronde qui a mené à l'émergence de grands mouvements sociaux.

Pourquoi ces mouvements ? Tout simplement parce que le peuple français s'est rassemblé contre un État qui en demande toujours plus aux moins aisés, tout en offrant toujours plus de cadeaux aux fortunés. En définitive, ce sont 11,3 milliards d'euros d'allégements fiscaux qui ont été mis en oeuvre, profitant aux Français qui ont le plus de moyens, et plus largement au capital. Nous avons déjà eu l'occasion de décomposer cette somme : 3,5 milliards d'euros proviennent du CICE, 3,2 milliards de la disparition de l'ISF, 1,6 milliard de la flat tax, 1,2 milliard de la baisse de l'impôt sur les sociétés – IS – , et 1,8 milliard du non-remplacement de la taxe de 3 % sur les dividendes.

De l'autre côté, on a baissé la taxe d'habitation, mais, dans le même temps, on a réduit le montant des APL. On donne quelque chose tout en reprenant ailleurs. On nous dit que les baisses d'impôts des entreprises stimuleront la croissance et la productivité, mais quelle assurance en avons-nous, puisqu'il n'y a aucune conditionnalité, aucune contrepartie ? La baisse des impôts des entreprises est compensée par la TVA, à hauteur de 4,3 milliards d'euros. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – , cette taxe à la pompe, en hausse, a également rapporté 2,6 milliards d'euros supplémentaires, mais quelles en sont les conséquences ? Ce sont encore les ménages qui ont été touchés.

L'augmentation du prix du gazole a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres en fin d'année dernière. Bref, ce sont les Français et les Françaises, en qualité d'individus, qui ont été amputés d'aides et de pouvoir d'achat avec toutes ces mesures. Les recettes de l'État peuvent donc paraître stables au premier regard, mais il ne s'agit que d'un soubresaut artificiel. Certains postes de dépenses de l'État ont pu être gonflés, comme l'enseignement scolaire, la défense ou la solidarité, l'insertion et l'égalité des chances. Cependant, d'autres missions primordiales, comme les missions « Travail », « Cohésion des territoires » ou « Agriculture », ont, quant à elles, souffert.

Les effectifs et le budget de certains ministères ont augmenté, d'autres ont été réduits, l'objectif absolu étant celui d'une réduction des dépenses publiques. L'armée et la défense s'annoncent comme les grands gagnants du prochain budget, avec une augmentation de crédits de 1,7 milliard d'euros. L'éducation nationale, la santé et la justice auront droit à des augmentations, pas le ministère du travail. Pire, à Bercy, on assiste à une véritable hécatombe : 10 000 postes seront supprimés d'ici à 2022. Le tout aura des conséquences tragiques sur les territoires, les trésoreries et le bon fonctionnement des institutions.

Des économies ont été faites de toutes parts, malgré les mesures annoncées à l'issue du grand débat. Le mouvement est « En marche », mais les valeurs de notre République sont à l'arrêt. La politique actuelle continuera vraisemblablement sur la même lancée, et la loi de finances pour 2019 prend bel et bien la même direction que celle de 2018 : celle de la politique de l'offre, de la baisse des prélèvements obligatoires et de la baisse des dépenses publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.