Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 18 juillet 2019 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Cela dépend pour qui !

Pourquoi cette politique de l'offre et de baisse des impôts des entreprises ? Le budget en cours d'exécution l'illustre plus que jamais : le CICE est doublé cette année. C'est le fameux « fromage et dessert » : 40 milliards d'euros mobilisés, plus d'1,5 point de PIB octroyé au secteur marchand sans contrepartie, sans condition, sans ciblage sur l'emploi, l'environnement, l'investissement territorial. Quand bien même l'efficacité du CICE n'aura aucunement été démontrée, vous faites le choix de le sanctuariser.

D'ailleurs, vous n'entendez pas mettre un terme à cette fuite en avant, puisque vous envisagez de supprimer des impôts dits de production. Ces impôts peuvent avoir des effets pervers. Pour autant, le ministre Bruno Le Maire a indiqué d'entrée de jeu que le financement de la suppression de ces impôts ne se ferait pas par le biais d'une hausse de l'impôt sur les sociétés. Ce seront donc vous, moi, nous les contribuables, les citoyens, qui paierons une nouvelle fois l'addition.

De son côté, la baisse de l'impôt sur le revenu en 2020 devait être largement financée par la réduction des niches fiscales des entreprises, notamment le gazole non routier et le mécénat d'entreprise. Or ces minuscules coups de rabots ne devraient rapporter aux caisses de l'État que 620 millions d'euros : une broutille. Comment donc financer les 5 milliards d'euros découlant de la baisse de l'IR ? Ces niches ne seront pas réellement attaquées, alors qu'elles représentent 100 milliards d'euros et servent très largement les plus fortunés et les grands groupes. La baisse de l'impôt sur le revenu profitera bien aux classes moyennes, mais pas aux classes les plus modestes, qui ne le paient pas.

Les dépenses publiques continueront à être largement contenues en volume, à plus de 0,5 % d'ici à 2020, symbole d'une politique d'austérité qui ne dit pas son nom. Des économies massives vont être opérées. Elles se feront par le biais de la réforme de l'audiovisuel, de l'assurance chômage, de la politique du logement, des contrats aidés à un niveau plancher, des trésoreries en voie de disparition, ou encore des dépenses de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – , qui seront cadenassées. Un autre levier potentiel pourrait être les retraites. Pour le moment, nous sommes toujours dans le flou, même si les choses se précisent. Le mauvais souvenir des tentatives de réforme du système de retraites ne nous laisse rien présager de bon. On entend déjà dire que la durée des cotisations pourrait être augmentée.

La refonte de la fiscalité locale s'annonce comme un grand chambardement. La suppression dans son intégralité de la taxe d'habitation viendra, qu'on le veuille ou non, alléger l'impôt de certains foyers aisés, à hauteur de 8 milliards d'euros. Le grand déménagement de la fiscalité laisse entrevoir des transferts de ressources d'une collectivité vers une autre. Ce sera l'un des grands enjeux du prochain PLF. Les collectivités locales sont d'ores et déjà sur le qui-vive. Nous ferons des propositions pour garantir leur autonomie.

En définitive, mes chers collègues, où est donc la révolution fiscale qui se fait tant attendre ? Pourquoi refuser d'ouvrir les yeux sur le bilan de la politique de notre nation ? Pourquoi insister sur la doctrine du libre-échange désinhibé tout en prévoyant des réformes archaïques et injustes ? Non, nous ne validons pas ce projet de loi de règlement du budget, qui alimente une politique contraire à toutes nos valeurs, qui soutient les plus riches et les grandes entreprises plutôt que les plus démunis et les collectivités locales Nous refusons d'apporter notre vote à ce projet de loi de règlement, reflet d'un budget toujours plus axé sur le libre-échange. Comment pourrions-nous apporter notre appui à une majorité et à un gouvernement qui ne soutiennent pas leur peuple ? Comme la majorité des sénateurs l'a fait avant-hier, nous voterons contre. Tant que vous continuerez à soutenir uniquement le secteur marchand et les grands groupes, nous voterons contre. Tant que les grands chiffres primeront sur les réalités vécues par les Français, nous voterons contre. Tant que vous n'accepterez pas de reconnaître les doléances de notre peuple, nous voterons contre.

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