Intervention de Éric Woerth

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président :

J'ai trois brèves remarques à faire. D'abord, en synthèse, je comprends que quand il y a une amélioration, elle est très faible, proche de la stagnation et que la trajectoire, notamment de l'État, est particulièrement plate, c'est-à-dire que l'effort de l'État est très faible et que le solde négatif de l'État est plus important que le solde total. Ainsi, les déficits se réduisent, mais lentement, et l'effort structurel lui-même est très faible. Quand nous nous comparons aux autres pays, il y a plutôt divergence que convergence. Ce sont de vrais sujets, qui doivent interloquer ou interpeller notre commission, quelle que soit la façon dont nous analysons ce que doit être l'état des finances publiques au cours des cycles économiques.

J'en viens à mon deuxième point. Il y a une divergence, que nous avions vue dans le rapport précédent, sur la mesure de l'effort en dépenses. L'État dit qu'il maintient, voire qu'il baisse quasiment la dépense en volume, et qu'en tout cas, il n'y a quasiment pas d'augmentation de la dépense en volume. La Cour dit qu'il ne faut pas calculer de la même manière, au regard du prix du PIB ou de l'indice des prix. Il faudrait que nous arrivions à un accord avec l'État sur la façon dont nous mesurons les choses concernant l'évolution de la dépense. Nous voyons bien que l'effort structurel, en tout cas l'effort global, est plutôt réalisé sur les recettes, et non sur les dépenses. L'impact de l'inflation est important : quand il n'y a pas d'inflation, le volume vaut quelle que soit la mesure de l'indice ; quand il y a de l'inflation, nous voyons bien qu'elle résout en partie la question. C'est donc un vrai sujet.

Mon troisième point porte sur la dette. Un débat est en train de s'installer, qu'on peut résumer de façon simple : « Ce n'est pas très grave, quand il y a des taux bas, nous pouvons laisser filer la dette. Il faut surtout s'endetter maintenant. » C'est ce que peut faire un ménage, quand il se dit : « je n'achetais pas ma maison jusqu'alors, mais je peux peut-être l'acheter désormais, parce que je la paierai plus facilement. » Certes, sauf que l'État a déjà construit beaucoup de maisons et que nous avons donc beaucoup de dettes derrière nous. La question n'est pas de savoir si nous pouvons nous endetter, mais de savoir quel est le stock de dettes. Je lis les commentaires d'un certain nombre d'économistes où nous sommes d'ailleurs mis dans le même sac, la Cour des comptes aussi bien que la partie dite « orthodoxe » des parlementaires ou des politiques. Il s'agit de dire : « Vous ne comprenez rien à l'économie. C'est une nouvelle économie, il faut voir les choses autrement, s'endetter. Allez-y à fond, nous ne payons pas la dette. » Au fond, c'est cela la vraie orthodoxie : considérer que les déficits et les dépenses peuvent aller toujours plus loin, et c'est la pratique depuis maintenant une trentaine d'années.

Le chemin plus original, plus créatif, est de se dire à un moment donné qu'il faut maîtriser tout cela, si nous voulons gagner un peu de souveraineté et de marge de manoeuvre, notamment lorsque les taux augmenteront à nouveau, parce que personne ne dit qu'ils n'augmenteront pas à nouveau. Je note que certains économistes disent que ce sera dans dix ans, mais finalement, personne n'en sait rien.

J'attire l'attention sur ce débat. Il serait très intéressant d'avoir à un moment donné un vrai débat avec quelques économistes, en présence de la Cour, si elle en est d'accord, non pas pour purger les choses, mais pour se poser ces questions qui me semblent être des questions de bon sens. La réponse me semble être de bon sens également, mais je vois bien que les positions commencent à diverger. La pression sur le Gouvernement est évidemment très forte, puisqu'un gouvernement a envie de dépenser nécessairement un peu plus, parce qu'il a envie de réaliser davantage de choses.

Je souhaite également ajouter qu'en ce moment sont menés les travaux de la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF). Avec Laurent Saint-Martin et le rapporteur général, nous réfléchissons aux conclusions de cette première partie de nos travaux. Je crois de plus en plus que nous pourrions intégrer l'idée d'un budget par missions, mais également d'avoir une vision faisant apparaître l'investissement, le fonctionnement et les dépenses courantes. Cela permettrait de disposer de deux présentations budgétaires – une présentation « en silos » et une présentation avec une autre optique, fondée sur ces grandes catégories de dépenses – et de mieux arbitrer les débats sur la dette. Cela signifie également que tout n'est pas dépense d'investissement. Toutes les dépenses courantes ne sont pas des dépenses d'investissement. Nous avons un peu cette tendance à considérer que chaque fois que l'État met 1 euro, c'est un investissement dans le social, l'économie ou la connaissance. Je proposerai donc au rapporteur de la MILOLF, s'il en est d'accord, que nous puissions faire une proposition d'organisation de nos lois de finances, qui prendrait également en compte cet autre aspect. Cela implique aussi d'arrêter avec nos partenaires européens un certain nombre de clefs de répartition de la dépense. C'est un vieux débat, mais nous pourrions désormais aller plus loin, en faisant en sorte que cette grille de lecture existe.

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