Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Il y a beaucoup de questions sur les collectivités territoriales. Sur la contractualisation, nous aurons l'occasion d'y revenir dans le second cahier du rapport sur les finances des collectivités territoriales. Nous voyons qu'effectivement, le résultat quant à la maîtrise des dépenses de fonctionnement semble plutôt positif, d'ailleurs aussi bien pour les collectivités qui sont dans la procédure de contractualisation, que pour les autres. Il y a des explications diverses quant à ces bons résultats sur l'année 2018 : les stratégies financières propres des collectivités territoriales, les contrats, des marges de manoeuvre plus importantes, le desserrement de la contrainte. Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer cette situation. Il y a également une prise de conscience de la nécessité d'un effort de maîtrise. Ce n'est plus considéré comme étant quelque chose d'affreux de penser que nous devons maîtriser ces dépenses de fonctionnement. Honnêtement, c'est d'ailleurs ce que fait chaque citoyen dans son budget, ainsi que chaque entreprise. Le fait de maîtriser sa dépense ne doit pas être quelque chose de considéré comme aberrant, y compris pour l'État, vu au sens large du terme.

Nous aurons l'occasion de pointer quelques insuffisances dans le processus de contractualisation, que vous avez vous-même pointées, notamment sur le périmètre et la durabilité de ce dispositif. Il faut que nous puissions avoir suffisamment de recul, afin de pouvoir en apprécier les résultats.

Sur la certification des comptes, nous avons eu l'occasion de rendre public le rapport que le Gouvernement vous a transmis sur un premier bilan de l'expérimentation que nous conduisons depuis quelques années. Ce n'est qu'un rapport d'étape. Nous ne sommes pas encore en mesure de vous proposer des conclusions définitives sur la certification Bien sûr, il y a des marges de progrès dans la fiabilité des comptes. La certification des comptes peut ne pas être la solution unique pour contribuer à une plus grande fiabilité des comptes. C'est pour cela que nous travaillons également à des alternatives, dans le cadre de l'expérimentation. Les petites et moyennes communes n'ont pas obligatoirement le même besoin en termes de procédure de certification des comptes. C'est ce que l'expérimentation devra pouvoir tester dans les années qui viennent.

Plusieurs questions portent sur les niches fiscales et les dépenses. Les niches fiscales ont très sensiblement augmenté, lorsqu'une norme d'évolution de la dépense budgétaire a été mise en place. Il y a une corrélation. Cela montre bien que, d'une certaine façon, des dépenses fiscales ont été imaginées, créées, afin de contourner l'encadrement de la dépense budgétaire. Des niches fiscales ont également été créées parce qu'il y a des taux élevés sur un certain nombre d'impôts, notamment sur l'impôt sur les sociétés (IS). Si un certain nombre de niches fiscales ont été imaginées, c'est pour contourner ou réduire les effets de taux élevés. Cela change, puisque vous avez décidé de baisser le taux de l'IS. Il y a forcément des niches fiscales qui doivent pouvoir être révisées, parce qu'elles constitueront un effet d'aubaine par rapport à une situation qui a elle-même changé. Il est nécessaire de faire ce travail et la Cour des comptes peut y contribuer. Vous-mêmes, vous avez un rôle éminent dans le cadre de ce travail et nous sommes tout à fait prêts à vous accompagner.

Bien évidemment, nous croyons qu'il y a des marges. Supprimer des dépenses fiscales ou des niches fiscales a un premier effet : celui d'augmenter le taux des prélèvements obligatoires. Nous pouvons supprimer des dépenses fiscales, avec pour conséquence d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires, mais nous pouvons baisser d'autres taux ou d'autres impôts. Après, c'est un choix que vous devez faire. Dire qu'un travail de révision de l'ensemble des niches fiscales et des niches sociales débouche automatiquement sur une augmentation des impôts n'est pas exact. Il suffit de faire des arbitrages différents sur d'autres impôts.

Oui, il y a des marges d'efficacité et d'efficience sur la dépense publique et beaucoup de rapports de la Cour des comptes le montrent. Beaucoup d'évaluations le montrent également. C'est toujours le même sujet : faut-il amplifier les évaluations que nous faisons ? Il y a déjà beaucoup d'évaluations qui existent. La question posée est surtout celle de l'appropriation de ces évaluations par vous-même, la confrontation entre ces évaluations et une situation donnée, afin de voir pourquoi des choses n'avancent pas ou pourquoi il y a telle situation que vous pouvez déplorer. Cela rejoint d'ailleurs une question d'organisation des travaux parlementaires – l'organisation de vos semaines de contrôle où ces sujets d'évaluation peuvent tout à fait être portés au débat.

Sur la dette, je crois que j'ai répondu tout à l'heure. Bien évidemment, il y a le fait que la dette privée ait aussi très sensiblement augmenté. Un certain nombre de données ont été récemment rendues publiques par la Banque de France et font apparaître cette proportion de 133 %. Cela conforte la nécessité de rester prudent en termes de dette publique. À partir du moment où vous cumulez les choses, la situation est plus risquée.

Nous savons que l'observatoire mondial des finances locales existe. D'ailleurs, nous attendons de voir les travaux qu'il pourra réaliser, parce que ce seront des éléments de comparaison utiles. Nous manquons beaucoup d'éléments de comparaison pertinents avec la situation de collectivités locales d'autres pays. De notre côté, nous pourrons en tenir compte, afin d'améliorer les possibles comparaisons entre les collectivités locales françaises et les autres collectivités, en sachant que comparaison n'est pas toujours raison. Le nombre de collectivités territoriales en France est beaucoup plus élevé que partout ailleurs dans le monde. C'est un élément à prendre en considération.

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