Intervention de Philippe Martin

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Martin :

Je vous remercie pour toutes ces questions.

En préambule, je crois qu'il faut bien distinguer les baisses de charges qui étaient concentrées sur les bas salaires et dont l'objectif a toujours été un objectif en termes d'emploi des baisses de charges liées au rapport Gallois. Le rapport Gallois préconisait des baisses de charges pour les salaires au delà de 1,6 SMIC : l'objectif n'était pas l'emploi mais la compétitivité et les exportations. D'ailleurs, dans notre travail, nous ne regardons pas l'effet sur l'emploi des baisses de charges sur les salaires intermédiaires, parce qu'il n'y a aucune raison qu'il y en ait, au sens où, entre 1,6 et 3,5 SMIC, le taux de chômage est très faible. On est en quasi plein emploi. Je vous rappelle que le chômage en France est fondamentalement constitué du chômage des personnes qui ont un salaire compris entre 1 et 1,6 SMIC. L'objectif du rapport Gallois n'était pas l'emploi. Les baisses de charges sur les salaires intermédiaires avaient pour but d'accroître les exportations et la compétitivité et c'est pour cela que nous avons jugé ces baisses de charges à l'aune de cet objectif.

Le point de départ du rapport Gallois est juste, au sens où les exportateurs embauchent des personnes qui perçoivent des salaires intermédiaires plutôt que des salaires faibles. À partir de ce point de départ, en déduit-on qu'il faut faire baisser les charges sur ces salaires intermédiaires et que cela va aider la compétitivité ? Les économistes en concluent que, d'un point de vue empirique, la réponse n'est pas nécessairement positive. Pourquoi ? Parce que quand vous faites baisser les charges sur des salaires intermédiaires, pour lesquels le taux de chômage est très faible, vous n'allez pas faire augmenter l'emploi puisque, de toute façon, on est pratiquement au plein emploi. On va plutôt constater soit une hausse des salaires, soit une augmentation des marges des entreprises. Au moment où a été créé le CICE, les entreprises avaient certainement besoin d'augmenter leur marge ; ce crédit d'impôt était donc utile. Les entreprises françaises avaient des marges très faibles et avaient donc du mal à innover et à investir. Comme l'a montré l'évaluation du CICE par France Stratégie, les baisses de charges sur les salaires intermédiaires n'ont pas généré d es emplois et se sont transformées soit en augmentation de salaire – ce qui n'a pas eu d'impact sur la compétitivité, puisque d'un côté vous baissez les charges et de l'autre le salaire augmente – soit en restauration des marges. Du point de vue des économistes, les baisses de charges peuvent avoir un impact positif sur l'emploi, mais encore faut-il qu'il y ait en fait du chômage.

Deuxièmement, s'agissant aujourd'hui, des personnes qui ont des qualifications intermédiaires, le problème des entreprises – regardez les derniers sondages de l'INSEE auprès des entreprises –n'est pas le coût du travail mais les compétences. Les entreprises ne trouvent pas, pour les compétences intermédiaires ou plus élevées, des personnes qui ont les compétences souhaitées. C'est un autre outil de politique économique qui doit être mis en place et c'est ce que fait le gouvernement avec la réforme de la formation professionnelle. Je pense que si le coût du travail est un vrai obstacle à l'emploi pour les personnes qui sont proches du SMIC, ce n'est pas le cas, ou beaucoup moins le cas, pour les personnes avec des salaires intermédiaires.

Hélène Paris, qui a mené un travail de comparaison internationale sur les salaires, à la fois sur les salaires relativement faibles et les salaires intermédiaires ou plus élevés, va pouvoir nous en dire un mot.

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