Intervention de Christophe Castaner

Réunion du mardi 16 juillet 2019 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

En répondant à Cécile Untermaier, je répondrai aussi, en partie, à Jean-Michel Fauvergue. Même si le débat n'est pas organisé territorialement, les préfets seront invités à veiller à ce que les parlementaires soient systématiquement conviés. Ceux d'entre vous qui sont plus spécialisés sur ces sujets, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, pourraient même être des ambassadeurs dans les débats. Je le dis d'autant plus que le risque existe que le débat se cantonne à l'entre-soi. J'ai un très grand respect pour les organisations syndicales, mais je pense que la question du Livre blanc et de son élaboration doit dépasser le cadre du ministère de l'Intérieur.

J'en viens ainsi au continuum de sécurité, évoqué par Jean-Michel Fauvergue : il nécessite de commencer par parler aux Français, aux citoyens qui subissent l'insécurité ou ont un sentiment d'insécurité, ce qui, pour moi, est la même chose. Ils doivent pouvoir être acteurs du débat, y participer. C'est pourquoi j'ai proposé que, dans chaque commissariat et gendarmerie de France, un espace soit ouvert d'office pour organiser un débat public. Inutile de vous dire que cela crée de grandes perturbations au sein du ministère de l'Intérieur, car on n'a pas l'habitude d'accueillir du public dans ces lieux-là. C'est un défi, mais il est à notre portée et la réussite renforcera le lien entre la population et nos forces de l'ordre. En tout cas, les parlementaires auront un rôle tout particulier à jouer.

Votre question relative au plan de recrutement comporte deux aspects. D'abord, les capacités de formation. Nous les avons, nous savons faire face. Toutefois, vous avez raison, si le débat sur les retraites et les orientations préconisées par le Haut-commissaire devaient donner lieu à des départs à la retraite massifs de policiers ou de gendarmes ayant un âge charnière, nous aurions une difficulté importante pour les remplacer en sus des 2 000 à 2 500 personnes que nous recrutons chaque année. Mais je ne crois pas que ce sera le cas.

Ensuite, la question de la formation permanente, en particulier au maintien de l'ordre public. Vous avez raison – et ce sujet devra être traité dans le cadre de l'élaboration du schéma national –, on avait l'habitude d'en charger les professionnels spécifiquement formés, tels les escadrons de gendarmerie et les CRS. Or, face aux gilets jaunes, c'est l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure qui a été mobilisé. Confrontés à des agissements violents, tous ceux qui sont intervenus n'étaient pas équipés. Les images que l'on a vues de policiers qui avaient eux-mêmes acheté un casque chez Decathlon montraient la réalité. Les gendarmes ont pu équiper et protéger un peu plus ceux d'entre eux qui n'appartenaient pas à des escadrons parce qu'ils avaient du stock. C'est donc un vrai problème auquel nous devons remédier.

Quant à la formation à la gestion de l'ordre public, il faut effectivement qu'elle devienne systématique pour tous les responsables de police comme de gendarmerie. Nous avons des modèles : Saint-Astier, pour la gendarmerie nationale, est un modèle d'école de gestion de l'ordre public. Nous y envoyons d'ailleurs les préfets en formation. C'est ce modèle de formation que nous devons développer pour tous les responsables de nos forces de sécurité intérieure, parce qu'ils seront confrontés à l'exercice de gestion de l'ordre public.

Vous avez fait trois suggestions de rationalisation à creuser. Deux types d'activités consomment énormément de temps : les tâches indues et les tâches périphériques – celles que vous avez évoquées appartiennent à la seconde catégorie. Tout le problème est de trouver des solutions qui soient meilleures que l'existant. Pour les procurations, par exemple, les policiers et les gendarmes que je rencontre me parlent évidemment, surtout à l'approche des périodes électorales, du temps qu'ils doivent y consacrer. Quel moyen aussi sécurisé pourrions-nous mettre en place pour y remédier ? Ce n'est pas simple. Faut-il confier aux maires le soin d'organiser les procurations ? J'ai été maire pendant dix-sept ans ; je pense que j'aurais trouvé cela formidable, mais peut-être que mon opposition n'aurait pas été très confiante. On voit bien les petites difficultés que cela peut poser, mais je suis ouvert à toute proposition. Tout ce qui peut permettre de recentrer les policiers sur leurs fonctions et de les mettre dans la rue – pour gérer la sécurité, pas pour manifester – va dans le bon sens.

Vous avez abordé la question des travailleurs sociaux et, plus globalement, du partenariat qu'il faut construire dans les territoires, dans le cadre de la PSQ. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, cela me paraît absolument indispensable, en effet.

En ce qui concerne les actes anti-chrétiens, madame Genevard, il ne m'appartient pas de me prononcer sur l'opportunité de mettre en place un dispositif, quel qu'il soit, au sein de cette commission. En revanche, ce que je sais, c'est qu'en 2018, 973 atteintes aux lieux de culte et aux cimetières chrétiens ont été recensées en France. Ce nombre est en diminution de 0,5 % par rapport à 2017. Certes, la baisse n'est pas très importante, mais c'en est une, contrairement à la tendance que l'on observe pour d'autres cultes. Dans la plupart des cas, ces agressions ne sont pas volontairement dirigées contre Dieu ou l'Église ; ce sont plutôt des actes de vandalisme ou des vols. À Saint-Sulpice, par exemple, c'est un SDF qui semble avoir provoqué un départ d'incendie – mais l'enquête est encore en cours.

On observe donc clairement une stabilisation, voire une légère baisse du nombre d'actes anti-chrétiens, quand les actes anti-musulmans ont connu une augmentation de 37,5 % et les actes contre la communauté juive une hausse de 67,8 %. Si le nombre d'actes en lui-même est plus important, c'est tout simplement parce qu'il y a beaucoup plus de lieux chrétiens : statistiquement, toutes les communes de France en comptent un, parfois plusieurs. Ramené au nombre de lieux de culte, le nombre d'actes anti-chrétiens est proportionnellement bien en dessous de ce que subissent les synagogues, par exemple. Le phénomène n'est donc pas en train de s'aggraver ; il a même légèrement baissé en 2018, et je n'ai pas d'information tendant à infirmer cette tendance pour le début de l'année 2019. Toutefois, je suis prêt à faire le point avec vous au fur et à mesure.

Néanmoins, et même si cela est moins dans notre culture, on voit bien qu'il nous faut renforcer la sécurité des lieux chrétiens. Le budget du ministère de l'Intérieur consacré à la communauté chrétienne a d'ores et déjà augmenté : les aides à l'investissement pour des mises en sécurité sont passées de 492 000 euros en 2017 à 1,5 million d'euros en 2018, autrement dit, elles ont été multipliées par trois. Je serai évidemment attentif aux sollicitations qui viendraient notamment des communes gestionnaires de ces sites pour renforcer encore les moyens de protection. Je pense que c'est là la bonne façon de faire.

Je voudrais vous rassurer. Comme vous, je suis touché chaque fois qu'un lieu de culte, quel qu'il soit et quel que soit le culte, est attaqué. La laïcité, que nous devons tous défendre au-delà de nos convictions personnelles, c'est la garantie de croire ou de ne pas croire, et il est inacceptable qu'on puisse être menacé parce qu'on a fait le choix d'une religion. Il est encore plus insupportable de voir attaquer les lieux symboliques, qui font partie des communs, qui appartiennent à tous – tel est le cas d'une église, que l'on soit catholique pratiquant ou pas. J'ai moi-même partagé l'émotion collective qu'avait suscitée la destruction par la foudre d'une partie du clocher de la cathédrale de Forcalquier, je comprends donc votre émotion quand il s'agit d'attaques. Reste que le phénomène est plutôt stable, la diminution observée en 2018 par rapport à 2017, de 0,3 %, n'étant pas significative.

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