Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 27 juin 2019 à 9h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

– Le radon est un gaz issu de la désintégration de l'uranium. Quand le radon se crée, ce gaz a tendance à se propager dans les fissures et à atteindre l'air libre. Si c'est le sous-sol d'une maison par exemple, il peut s'accumuler à des niveaux variables, parfois importants.

Sur le principe, c'est assez simple à traiter. Il faut étanchéifier et aérer les maisons. Dans les faits, ce n'est pas toujours aussi facile. L'IRSN, dans sa démarche d'ouverture à la société et de sensibilisation à la gestion du risque, a réalisé une action en Haute-Vienne, en accord avec les élus locaux et les autorités locales. C'est une région où il y a potentiellement du radon.

Dans une première étape, nous avons proposé à des habitants de les doter d'appareils de mesure du radon. Environ 800 habitants sont venus en emprunter. La plupart de ceux-ci ont réalisé la mesure. Le seuil de référence est de 300 becquerels par m3. Nous avons constaté un dépassement de ce seuil dans une grande partie des maisons. 8 % étaient au-dessus de 2 500 becquerels par m3.

Dans une seconde étape, nous avons proposé aux personnes qui le souhaitaient d'effectuer des travaux elles-mêmes. Nous avons conclu un accord avec la Fédération française du bâtiment et un lycée technique local pour leur proposer des méthodes pour réduire le risque radon. Une partie des habitants l'a réalisé de manière efficace. Il restait quelques cas où la concentration importante en radon a nécessité un suivi plus personnalisé des travaux d'étanchéité ou de ventilation.

L'IRSN n'a pas vocation à étendre cette action à toute la France. Cette démarche expérimentale visait à démontrer que la méthode pouvait fonctionner et être reproduite. L'IRSN a apporté une plus-value technique avec ses dosimètres, et surtout en montrant la faisabilité.

Quel est le risque du radon ? En 2018, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a rendu publique une étude commanditée par l'INCa, à laquelle les agences sanitaires françaises ont contribué, dont l'IRSN pour le risque ionisant. Cette étude posait la question suivante : quels sont les cancers attribuables à l'environnement, à la pollution, aux rayonnements ionisants, etc., ou au mode de vie (tabac, alcool....) ? Cette étude a conclu que 140 000 cancers sont attribuables à l'environnement, dont 6 000 aux rayonnements ionisants : 4 000 au radon et 2 000 au médical. Malgré les incertitudes importantes, cela donne une idée de l'ampleur du risque radon.

Si l'on retient 4 000 cancers liés au radon, ceux-ci ne représentent que 10 % à 15 % des cancers du poumon, leur cause principale étant liée au tabac. Statistiquement, l'essentiel de ces cancers concernerait des régions où la concentration en radon est inférieure au seuil de référence de 300 becquerels par m3, pour une raison très simple : ce sont les régions les plus nombreuses.

Nous avons deux axes de travail : un sujet de santé publique dans la durée, en travaillant notamment sur les normes de construction, et des sujets plus ponctuels, relatifs à des situations particulières. Les agences régionales de santé (ARS) ou la direction générale de la santé (DGS) nous saisissent régulièrement pour des habitations dans lesquelles les niveaux de présence de radon sont très importants. La contribution de l'IRSN est double : la dosimétrie avant et après travaux, ainsi que l'évaluation du risque induit par ces niveaux élevés.

Sur les effets cancérigènes des rayonnements ionisants, l'IRSN conduit un certain nombre d'études épidémiologiques. Depuis 50 ans, nous suivons une cohorte de 90 000 travailleurs dans le secteur nucléaire. Elle est très bien renseignée. La réglementation exige des examens médicaux, etc. La principale conclusion de cette étude est qu'aujourd'hui le système international de radioprotection, c'est-à-dire le concept de « relation linéaire sans seuil », n'est pas remis en cause : dès qu'on ajoute une petite dose, on ajoute une petite probabilité de cancer. Les résultats de nos études sont corroborés par les études internationales. Les hypothèses du système international de radioprotection ne sont pas remises en cause par ces études.

Je reviens sur le Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle (CODIRPA). Cette démarche post-accidentelle a été lancée en 2005. À l'époque, elle pouvait soulever un certain nombre d'interrogations d'acteurs français ou étrangers. L'accident de Fukushima a montré que ce n'était pas une vue de l'esprit.

Un premier travail a été mis en oeuvre après l'accident de Fukushima. Actuellement, nous sommes dans une phase de révision de cette démarche, évoquée dans le rapport. L'IRSN n'est pas le seul acteur à y contribuer. Parmi les grands sujets, il y a notamment l'interface entre la phase d'urgence et la phase post-accidentelle. Tant que les rejets de l'installation accidentée ne sont pas terminés, on est dans une phase d'urgence. Le risque essentiel est l'inhalation du nuage. Une fois que l'installation est raisonnablement maîtrisée, on passe dans la phase post-accidentelle où les vecteurs sont plutôt l'ingestion ou l'irradiation directe.

Avant Fukushima, on faisait une distinction assez claire entre ces deux phases. L'accident de Fukushima a montré que ce n'était pas le cas. La phase post-accidentelle commence alors que la phase d'urgence n'est pas terminée. Ce premier travail de mise en cohérence est en cours.

Le second axe de travail sur cette phase post-accidentelle vise à simplifier les zonages. Il existe différentes zones d'évacuation : celles où les gens ne peuvent pas revenir pour vivre, il en existe toujours au Japon, celles où il faut prendre des précautions pour la vie de tous les jours, et enfin d'autres zones pour la commercialisation des produits agricoles. L'expérience a montré que ce zonage était d'une extrême complexité. Autant la phase d'urgence nécessite des décisions rapides qui ne peuvent être prises que par les autorités, autant la phase post-accidentelle nécessite une implication très importante des populations. C'est un retour de Fukushima.

Le troisième axe de travail vise à tirer bénéfice des nouvelles méthodes de modélisation et de mesure, beaucoup plus efficaces qu'auparavant. Dans la phase post-accidentelle, il faut absolument connaître le degré de contamination de l'environnement. Plus cette information est rapide, plus les marges de manoeuvre sont importantes.

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