Intervention de Robert Guillaumont

Réunion du jeudi 27 juin 2019 à 9h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Robert Guillaumont, membre de la CNE2 :

– La PPE laisse entrevoir des réalisations, en particulier le développement d'un avant-projet de réacteur modulaire de faible puissance (en anglais, Small Modular Reactor ou SMR). Ce type de réacteur aurait l'avantage d'être construit par modules, serait caractérisé par une sûreté passive, et pourrait accompagner en appoint le développement des énergies renouvelables, du fait de sa faible puissance et compte tenu de la possibilité de le déployer plus facilement que de gros réacteurs.

La perspective d'utiliser des RNR s'éloignant, une nouvelle approche est également apparue pour réaliser la transmutation des actinides. Pour transmuter des actinides du plutonium, notamment des actinides mineurs, il faut des neutrons. C'est ce que permettaient les RNR. Il faut donc trouver une autre façon de les générer. Un laser de puissance de nouvelle génération produirait des neutrons de 14 mégaélectronvolts (MeV) par une réaction de fusion. Ce laser pourrait accélérer des particules chargées qui, concentrés sur une cible, produiraient ces neutrons très énergétiques. La nouveauté porte sur cette réaction de fusion, les ions étant accélérés par les lasers. Les neutrons seraient injectés dans un réacteur à sels fondus, de conception quelque peu différente des réacteurs actuels, puisque leur combustible est liquide. Les actinides mineurs transmutés se trouveraient dans le combustible.

Si un tel projet peut être envisagé, des défis scientifiques et technologiques majeurs resteront cependant à surmonter. Il faudrait réaliser un laser de très grande puissance nécessitant une technologie innovante. Celle-ci n'en est qu'au stade du laboratoire et appelle d'importants développements. Ensuite, il faudrait développer une nouvelle filière nucléaire fondée sur l'utilisation d'un réacteur à sels fondus, alors qu'il n'existe toujours pas de prototype capable de démontrer sa fiabilité en pratique. Il faudrait également disposer d'une filière industrielle de séparation des produits de fission. Dans ce type de réacteurs, le combustible doit être retraité de façon permanente. Tout cela nécessite une installation télé-opérée de grande ampleur, immédiatement au voisinage du réacteur. Il faut donc coupler deux installations, dont il faut étudier la sûreté et la coexistence.

Compte tenu de leur nouveauté, la CNE2 suivra le développement des réacteurs à sels fondus avec attention. Au stade actuel des connaissances, l'ampleur des développements requis sur le plan scientifique, technologique et industriel pour l'accélération par laser de particules chargées est telle qu'il ne nous semble pas réaliste de fixer une quelconque échéance pour une éventuelle mise en oeuvre industrielle de cette solution. Par ailleurs, il convient de noter qu'elle ne fournirait pas d'électricité, et qu'on ne connaît pas non plus sa consommation en énergie ou son niveau de sûreté.

Tout ceci montre qu'il faut rester vigilant pour l'avenir du point de vue scientifique. Il reste du chemin à parcourir pour relever ces défis. La CNE2 recommande, à la suite de la PPE qui essaie de définir une politique électronucléaire pour l'avenir, de bâtir un nouveau programme de R&D, incluant une recherche fondamentale forte. Ce programme doit regrouper toute la communauté scientifique et technologique autour d'une action d'envergure. Pour attirer une nouvelle génération de talents, il ne faut surtout pas perdre en expertise. Même si les programmes ne sont pas parfaitement définis à ce stade, il faut garder les scientifiques et les technologues pour aborder cette nouvelle orientation résultant de la PPE.

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