Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 25 juillet 2019 à 9h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Bien entendu, l'exercice est très formel. Il l'était à l'orée de l'examen du texte ; il l'est encore plus dans sa phase finale. Je me suis exprimée à plusieurs reprises sur ce projet de loi de règlement, qui résume en quelque sorte le premier exercice budgétaire complet de la majorité.

Bien sûr, il y aura dans mon propos quelques redondances et des effets de répétition – agaçants pour vous comme pour moi – , mais bien moins que dans votre mantra « faire plus avec moins », que l'on nous serine depuis des décennies !

En effet, je vois passer les majorités et changer les visages, mais une politique demeure : celle de l'austérité et de la baisse des dépenses publiques, qui ne produit rien d'autre que l'étranglement de la demande et l'explosion de la précarité, ainsi que des inégalités – vous le voyez certainement comme moi dans votre vie quotidienne !

Les chiffres sont éloquents : les dépenses publiques baissent de 1,8 % en termes réels, et les prélèvements obligatoires s'effondrent de 16,5 milliards d'euros. Il s'agit d'un record inégalé depuis 2009 !

S'agit-il là de soulager les PME et les TPE, ainsi que les classes moyennes et modestes, chaque jour un peu plus inquiètes du lendemain ? En dépit des discours officiels destinés à maquiller votre politique, on peut le dire très nettement : non !

Il s'agit d'une baisse ciblée, profitant non à la majorité de nos concitoyens, mais à une poignée d'ultra-riches, nichés au sein de ce capitalisme de connivence qui est le sel de ce gouvernement.

ISF, CICE, flat tax : près de 9,5 milliards d'euros sont ainsi soustraits du budget de la nation – charge aux Françaises et aux Français d'éponger le déficit qui en résultera ! Ainsi, depuis 2017, vous avez réduit le financement de l'aide personnalisée au logement de 2,5 milliards d'euros, vous cherchez à économiser 4 milliards sur la politique du logement d'ici à 2020 et vous sabrez dans les contrats aidés.

Mais la hausse des dépenses n'effraie les libéraux que lorsqu'il s'agit de prendre aux riches pour redistribuer aux plus modestes. Le portefeuille se fait d'un seul coup plus large lorsqu'il s'agit de couvrir les dépenses fiscales, dont le nombre excède désormais 200, ces niches en tout genre dont l'utilité sociale et économique n'est pas toujours prouvée, loin s'en faut.

Sans scrupules, vous vendez des biens qui ne vous appartiennent pas en propre, mais à la collectivité nationale tout entière, et sont les fruits du travail commun. Je ne prendrai pour exemple qu'Aéroports de Paris – ADP. Secteur stratégique, s'il en est, pleinement rentable, qui plus est, et assurant de surcroît une évidente mission de service public. Le précédent désastre de la privatisation de l'aéroport de Toulouse ne vous suffit-il pas ?

Par les privatisations, vous entendez abonder votre fameux fonds pour l'innovation. Or, des 10 milliards du fonds pour l'innovation, la Cour des comptes elle-même estime qu'il ne sortira chaque année que 250 millions, le reste se perdant dans les méandres d'une « mécanique budgétaire complexe et injustifiée ». Cette somme est équivalente à ce que reversait chaque année ADP au budget de l'État, sans même évoquer la situation de La Française des jeux.

La même Cour des comptes démontre ainsi que ces fonds sont cinq fois moins rentables que la moyenne des participations publiques : pour des maniaques de l'austérité à tout crin, vous me semblez de bien piètres comptables ! Le « printemps de l'évaluation » n'est donc qu'une mascarade qui entérine les obsessions budgétaires à l'oeuvre, sous la houlette conjointe de Bercy et de Bruxelles.

Pourtant, l'urgence sociale et climatique devrait nous obliger à tracer un autre horizon qu'un ciel rabougri. On pourrait par exemple, plutôt que d'aider les grandes fortunes, adoucir les inégalités par l'impôt, orienter les investissements par l'État, stimuler la demande par la répartition des richesses. Mais non, on préfère cajoler les privilégiés, pointer du doigt les classes populaires, et pressurer les classes moyennes.

Alors que vous avez, il y a quelques jours, applaudi la jeune Greta, vous avez voté le CETA – Comprehensive economic and trade agreement, accord économique et commercial global. Je me dis donc que dans cet hémicycle, il fait peut-être encore trop frais, comme dans les voitures de fonction, pour que vous ayez assez chaud et que vous puissiez comprendre l'urgence climatique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.