Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 18 juillet 2019 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Il y a toujours eu, d'une part, le hardware, le matériel, d'autre part, le software, le logiciel, avec une course entre les deux. Dans les débuts de l'informatique, le hardware constituait le facteur limitant et il fallait trouver toutes sortes d'astuces pour utiliser le moins de mémoire possible, le moins d'opérations possibles. On a ensuite connu une époque où c'était la programmation qui était déficiente et tout le monde passait son temps à imaginer les moyens de corriger les bugs de programmation.

Maintenant, il s'agit de développer à la fois le hardware et le software en termes quantiques. Ce ne sont pas les mêmes experts qui développent l'ordinateur quantique et la programmation quantique, même si évidemment les uns regardent ce que les autres font. La programmation quantique est déjà un sujet à part entière, et ce depuis bien avant l'arrivée des ordinateurs quantiques. Pour simplifier, la question est comment programmer un ordinateur quantique le jour où il arrivera ? On parle d'architectures différentes mais aussi de langages et de protocoles différents pour écrire un programme informatique.

Il faut faire la distinction entre le langage de « haut niveau », qui nous est compréhensible et est orienté vers les problèmes à résoudre, indépendant des spécificités du matériel ; c'est le langage qu'on apprend dans nos écoles d'informatique. Et puis le langage de « bas niveau », qui va dicter au processeur les opérations élémentaires et qui va dépendre de l'architecture physique. L'interface entre les programmes de « haut niveau » et les programmes de « bas niveau », c'est une science en soit, c'est de l'optimisation et de la compilation. Sur une architecture classique, la compilation est l'étape qui transforme le programme écrit en langage Pascal ou bien Python en un langage exécutable par le processeur.

Pour avoir un ordinateur quantique et un programme opérationnels, il faudra prendre en compte les spécificités de la mécanique quantique et en particulier son caractère probabiliste, au contraire de l'informatique classique qui est déterministe.

Des plateformes de programmation quantique ont déjà été mises au point, soit par des équipes académiques, soit par des équipes industrielles. Certaines mettent à disposition de l'utilisateur des qubits dans le cloud pour permettre à des communautés de se former et de se développer. Côté français, apportant ainsi une contribution majeure, Atos a mis en ligne sa Quantum Learning machine simulant sur un supercalculateur classique Bull le fonctionnement d'un ordinateur quantique disposant de 30 à 41 qubits, qui intègre les spécificités des différentes technologies de qubits (ions piégés, supraconducteurs…).

À ce jour, peu d'algorithmes quantiques ont été découverts. Le plus important et le plus célèbre est l'algorithme de Shor pour la factorisation de très grands nombres, nous en reparlerons plus précisément dans l'examen de la note suivante, sur la cryptographie. L'algorithme de Shor est un algorithme de factorisation extrêmement efficace, qui a rendu son auteur célèbre. Il a fait entrevoir un futur dans lequel des problèmes aujourd'hui inaccessibles en informatique classique seront à portée demain avec l'informatique quantique.

Pour reprendre la question précédente, nous allons probablement nous retrouver dans un scénario à deux choix : soit, grâce au quantique, nous nous emparons collectivement de tâches inacessibles aujourd'hui, en le mettant au service du bien commun ; soit, a contrario, un acteur privé ou étatique développera ces technologies, et lui seul sera capable de réaliser certaines actions, qui lui donneront un avantage comparatif important.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.