Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) :

– Les lignes vapeur partent des générateurs de vapeur dans l'enceinte, traversent l'espace entre les enceintes, les bâtiments des auxiliaires de sauvegarde et rejoignent la turbine dans la salle des machines. Trois types de phénomènes sont susceptibles de se produire en cas de rupture des tuyauteries : une augmentation brutale du refroidissement de l'eau du circuit primaire ; une libération importante de vapeur pouvant engendrer une augmentation considérable de la pression dans l'enceinte, dans l'espace entre les enceintes ou dans les bâtiments des auxiliaires de sauvegarde ; ou l'agression d'autres équipements au point de les rendre indisponibles.

Les réacteurs nucléaires français sont construits sur le principe de défense en profondeur qui revient à mettre en oeuvre des niveaux de défense successifs vis-à-vis du risque accident : le premier niveau consiste, par la qualité des équipements, à éviter un incident ; le deuxième niveau vise à les détecter et à éviter qu'ils ne deviennent des accidents : le troisième niveau consiste en la maîtrise des accidents ; enfin, le quatrième niveau vise la maîtrise des accidents de fusion du coeur.

Des dispositions doivent donc être prises pour éviter un accident et, le cas échéant, pour limiter les conséquences d'une défaillance. Lorsque cela n'est pas possible, par exemple pour la cuve du réacteur, l'exploitant doit compenser l'absence de la troisième ligne de défense, la maîtrise de l'accident, par le renforcement de la prévention de la défaillance. S'agissant de la tuyauterie, cela se traduit par une conception optimisée limitant le nombre de soudures et les contraintes mécaniques, le choix d'un matériau adapté et le renforcement des contrôles. Telle est la définition de la démarche d'exclusion de rupture, utilisée, lorsque les premiers niveaux de défense en profondeur ne peuvent être atteints, sur les composants du circuit primaire : la cuve, l'enveloppe des générateurs de vapeur et l'enveloppe des pompes primaires. Elle s'applique aussi aux tuyauteries principales vapeur, les super pipes, des réacteurs existants, soit à environ cinquante mètres de tuyaux pour l'EPR.

En 2004,les directives techniques pour la conception et la construction de la prochaine génération de réacteurs nucléaires, dont l'EPR, ont été publiées par l'ASN, sur le fondement d'échanges entre les experts allemands et français. Elles indiquent explicitement que la démarche d'exclusion de rupture est applicable aux tuyauteries de vapeur des circuits secondaires principaux. Appliquant ces directives, EDF n'a pas étudié les conséquences de la rupture complète des tuyaux dans la démonstration de sûreté de l'EPR et n'a pas prévu de dispositif de maintien de la tuyauterie comme il en existe dans les réacteurs finlandais. L'exploitant a également soumis ces éléments, dans le décret de création de 2007, à des exigences renforcées, notamment un niveau de résilience fixé à 100 joules pour le métal. Hélas, l'ASN, via l'analyse de coupons témoins, a constaté le non-respect de cette norme, en usine comme sur site. La qualité de réalisation n'est donc pas celle attendue au regard des exigences d'exclusion de rupture.

EDF a décidé de réparer les soudures des tuyauteries vapeur pour les mettre en conformité avec le référentiel fixé, à l'exclusion des huit soudures situées au niveau des traversées, proposant de justifier, par des calculs de mécanique, qu'elles résisteraient aux sollicitations. À cet effet, l'exploitant a engagé un programme d'étude et de construction de maquettes pour caractériser les propriétés mécaniques des soudures, sans résultat probant. L'IRSN a donc considéré, dans l'avis rendu à l'ASN, que ces éléments étaient insuffisants pour justifier l'application de la démarche d'exclusion de rupture et qu'il convenait de procéder à la remise en conformité des soudures des traversées plutôt que de chercher à justifier leur acceptabilité.

La situation des traversées diffère de celle constatée auparavant sur les calottes de cuves où avait été constaté un excès de carbone. L'avis de l'IRSN et de l'ASN avait alors été positif, car aucun défaut n'avait été détecté dans les calottes et plus de 1 500 essais avaient été réalisés sur trois calottes dans des conditions analogues à celles de l'EPR, ce qui avait permis de connaître précisément le comportement mécanique du matériau présentant les excès de carbone et de constater qu'il était conforme à ce qui était attendu.

En 2018 et en 2019, la contribution de l'IRSN à l'expertise de l'ASN sur ce dossier des soudures représente un travail correspondant à 3,5 personnes à temps plein, qui a des conséquences sur le traitement des autres dossiers.

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