Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) :

Monsieur le rapporteur, ce sont les mots que vous venez de prononcer qui sont des cartouches. Il n'est pas normal d'être à charge contre un secteur aussi important, avec des arguments qui constituent au moins des raccourcis, pour ne pas dire autre chose.

L'agriculture française ne se porte pas bien, et ce n'est pas à cause de la grande distribution, vous le savez très bien. C'est à cause de problèmes de compétitivité dont, si mes souvenirs sont bons, la représentation nationale est comptable. Si l'on étudie l'ensemble des analyses – et le ministère de l'agriculture vient d'en publier une ce matin – c'est un problème de coût relatif comparé à la production étrangère. C'est un problème d'organisation de la production. Je ne dis pas qu'il ne peut pas y avoir naturellement des tensions sur l'ensemble de la chaîne, mais toutes les analyses des économistes sont convergentes sur le sujet. Dire que nous sommes responsables des suicides d'agriculteurs, c'est inadmissible et je ne peux pas l'accepter.

Quant au burn-out évoqué tout à l'heure, ne vous laissez pas attendrir ou influencer par les déclarations anormales et scandaleuses de ce matin. Elles ne reposent absolument sur rien. À chaque fois que de tels propos sont tenus, des enquêtes sont faites, et ces allégations se révèlent inexactes. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les fameux box sont des salles de réunion classiques, normales, dans lesquelles se tiennent les discussions. Pour avoir vécu beaucoup de négociations sociales, je vous assure que c'est beaucoup plus dur. Et de ma vie antérieure en tant que haut fonctionnaire, je peux vous dire que les négociations budgétaires de l'État sont aussi beaucoup plus dures que les négociations commerciales.

Naturellement, nous vivons dans un pays latin, où les choses sont un peu plus compliquées qu'ailleurs ; pour autant, il faut sortir de ces fantasmes. Nous discutons, il n'y a pas du tout d'insultes ou de comportements de la sorte. Nous avons élaboré une charte tout à fait claire dans ce domaine, elle est placée dans tous les box de négociation. Nous avons également décidé de mettre en place l'année prochaine un e-learning de l'ensemble des acheteurs, de manière à rappeler en permanence ces éléments dans le cadre de la formation. Le reste, ce sont des assertions qui ne sont pas du tout justes.

S'agissant de justice, vous parliez de prix « justes ». Pour nous, le prix juste est celui qui permet à tout le monde de vivre, et au consommateur d'acheter. Il ne faut jamais oublier cela : nous aussi avons des clients. Si les produits sont trop chers, si cela ne leur convient pas, ces clients s'en vont. Aujourd'hui, les clients ont un choix tellement étendu qu'une partie d'entre eux achète moins cher sur Amazon. Et demain, ils iront sur Alibaba. Regardez les évolutions dans le secteur non-alimentaire ou l'habillement. C'est ce qui se passera demain.

Quand il n'y aura plus qu'Amazon ou Alibaba en France, nos amis industriels regretteront l'époque où ils avaient des interlocuteurs sérieux. Aujourd'hui, nous faisons face à des entreprises qui arrivent systématiquement avec des prix inférieurs de 10 % à tous les autres. Il est intéressant de regarder des chaînes comme Action, il faut regarder les prix qu'ils pratiquent, des prix ultra-bas.

Vous me demandiez si j'étais fier de ce que je fais ; j'en suis extrêmement fier, et je suis extrêmement fier du secteur que j'ai l'honneur de représenter. Aujourd'hui, c'est le secteur de la promotion sociale, et c'est le secteur qui permet à tous les Français d'avoir accès à une alimentation d'une qualité en amélioration constante. Nous, distributeurs, nous battons contre les industriels qui ne veulent pas aller aussi loin en termes de qualité et de sécurité alimentaire. Je ne comprends pas que l'on puisse nous accuser sous cet angle.

Quant à la question sur la négociation, elle revient à ce que j'expliquais précédemment : le rêve d'un industriel est de fixer son tarif en nous interdisant de le négocier. Ce n'est pas normal, la liberté du commerce – principe constitutionnel – et la liberté de négociation doivent permettre les discussions, au profit des consommateurs. Il faut plus de qualité, et des produits qui répondent aux souhaits des consommateurs. Aujourd'hui, un consommateur est prêt à changer de magasin pour quelques centimes sur une baguette de pain ou un litre de lait, c'est tout à fait clair. On peut dire que c'est mal, c'est la réalité. Les consommateurs sont comme les électeurs, ils sont parfois changeants.

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