Intervention de Michel-Edouard Leclerc

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Michel-Edouard Leclerc :

Après en avoir discuté avec nombre de chefs d'entreprise des centres Leclerc ainsi qu'avec plusieurs de nos concurrents – qui, comme nous, en ont assez de jouer les boucs émissaires –, je peux vous répondre très clairement sur ce point. La législation que vous avez façonnée nous oblige tous à travailler au prix du marché. On peut déroger à ce prix quand le produit est transformé, argumenté, et qu'il peut dire son originalité : du point de vue du marketing et de la psychologie du consommateur, personne ne trouve à redire que l'on doive payer plus cher un produit bio, un produit régional, ou un produit bénéficiant d'une appellation justifiant de son origine.

À l'inverse, qu'est-ce qui justifie de payer plus cher un produit de mass market, sur un marché désormais largement ouvert – par la volonté du législateur – à l'Europe, voire au monde entier ? Dans ce contexte, conclure une entente verticale avec des producteurs, c'est compliqué. Je vous réponds donc très simplement que oui, nous acceptons de payer les produits un peu plus chers. D'ailleurs, quand nous avons dû signer des accords avec Danone et Lactalis – à l'aveugle, puisqu'il n'y avait pas moyen de faire autrement –, nos acheteurs avaient compris que le surprix payé à Danone et à Lactalis permettrait une meilleure rémunération du producteur. Nous n'avons pas bénéficié de la transparence dans cette intermédiation, et je m'étonne que vous m'interrogiez puisque vous avez reçu, dans le cadre d'une audition à huis clos, Danone et Lactalis, qui nous ont interdit eux-mêmes – je peux le prouver – de communiquer au sujet de l'obligation sur laquelle ils s'étaient engagés. Le groupe Bel, qui avait signé un accord avec Intermarché, a été le seul à le faire ; pour ce qui est de l'industriel ayant contracté avec Lidl, il ne l'a fait que quinze jours après la clôture des négociations.

Je vous redis donc très clairement, même si je n'ai pas un mandat pour cela, que, dans le cadre des discussions, les centres Leclerc sont prêts à acheter plus cher certains produits, même ceux issus du mass market, qui peinent à dire leur différence. Pour ce qui est du reste, notre position est actée depuis les états généraux de l'alimentation, et même si vous considérez que 5 % en deux ans ne sont rien, je trouve que les choses évoluent rapidement. Nous sommes prêts à travailler sur des formes d'entente et à les soutenir devant la Communauté européenne, avec vous. Vous nous encouragez à conclure des accords tripartites ; savez-vous combien on nous en a proposé ? Je peux vous dire que c'est négligeable : seuls quelques grands industriels que j'ai cités tout à l'heure l'ont fait.

C'est un fait, le prix de marché peut ne pas être juste, mais une fois ce constat effectué, comment fait-on pour en sortir sans être sanctionnable dans le cadre de la législation actuelle ?

Pour ma part, je propose qu'on nous autorise à conclure des ententes : quand les prix sont trop bas pour nourrir les hommes et les femmes, les centres Leclerc, qui ne sont pas des partisans outranciers du libéralisme et ne prônent pas le prix bas à tout prix – il faut arrêter de dire ça, monsieur le président –…

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