Intervention de Michel-Edouard Leclerc

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Michel-Edouard Leclerc :

Au demeurant, je m'étonne que vous invoquiez une affaire qui n'a pas encore été jugée. Un reproche ne fait pas une condamnation – vous devriez le savoir, vous qui, dans le monde politique, êtes souvent victimes de ce genre de raccourci !

L'ère des assignations a commencé avec Hervé Novelli et s'est poursuivie avec Benoît Hamon, et il semble bien que cette pratique soit aujourd'hui devenue un nouvel outil de la politique économique : quand on ne sait pas quoi donner aux agriculteurs, on tape sur le distributeur ! Je vous fais tout de même remarquer que, si chaque enseigne a été assignée, et même quand les contrats ont été disqualifiés, jamais les industriels n'ont été condamnés. Je veux bien qu'on défende les plus faibles, mais quand Système U se retrouve face à Danone ou à Nestlé, j'ai du mal à voir ces multinationales comme des victimes ! Même associé à Rewe, Leclerc ne représente que 2 % du chiffre d'affaires de Nestlé au niveau mondial. Nous aurions tous à gagner en sortant de la caricature selon laquelle l'industriel serait « le gentil », le distributeur, « le méchant » et le consommateur, « le payeur ».

Cela dit, ce qui est mal fait doit être sanctionné. Cette phrase que l'on m'attribue, « La loi, je m'assois dessus ! », ne correspond pas du tout à ce que j'ai dit – je vous invite à réécouter mon interview par Thomas Sotto sur Europe 1 pour le vérifier. Ce qui n'était, à l'origine, qu'un tacle de ma part contre feu Jean-Paul Charié, un député avec qui j'avais d'ailleurs des rapports exempts d'agressivité, est devenu, sous l'effet des réseaux sociaux, une phrase qui me colle à la peau.

Nous sommes légalistes. Vous ne nous avez pas pris en défaut sur l'augmentation du SRP et nous avons respecté la loi EGAlim. Vous avez reçu, ici, des membres de la Commission européenne qui vous ont rappelé que la constitution de centrales d'achat européennes est légale et que l'on ne peut pas déduire de ces initiatives une volonté de contournement de la loi. Au demeurant, la loi française est adaptée de la loi européenne.

Les centres Leclerc, nous l'avons dit tout à l'heure, sont des coopératives. Nous n'avons pas de centre de profit extérieur aux magasins. Toutes les conditions d'achat, tous les services et les rémunérations obtenues dans la chaîne des centres Leclerc ont pour mission d'aller vers le coopérateur, au profit, je le souhaite, du consommateur. Nous n'avons jamais été mis en défaut sur ce point, jamais !

À la différence de la commission d'enquête, ce que je comprends, nous sommes transparents. Les administrations le savent, qui ont tout pompé dans nos ordinateurs. D'ailleurs, Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances l'a revendiqué : elle dispose de tous les mails, de tous les éléments. Ce qu'elle nous adresse aujourd'hui, c'est un reproche en opportunité sur des contrats, mais la société Eurelec n'est pas une filiale du mouvement Leclerc.

Si vous voulez remettre en cause toutes les opérations communes au niveau européen, c'est l'Europe que vous reniez : l'alliance entre Deutsche Telekom et Orange, Airbus, le groupe Avril, que dirigeait feu le président de la FNSEA et qui a des filiales partout. Ce n'est pas parce que vous vous mettez à la dimension de vos industriels que vous avez tort.

Je l'ai dit, j'ai été membre fondateur de Coopernic. J'ai toujours participé à des travaux sur le droit à la concurrence, dès 1986, lorsque M. Balladur a créé le Conseil de la concurrence. À cette époque, professionnels, journalistes et analystes pouvaient se parler sans que cela pose des problèmes déontologiques, et nous avons travaillé ces questions.

Lorsque nous avons voulu développer les centres Leclerc à l'international, nous nous sommes rapprochés du groupe italien, Conad. Nous avons eu cette idée simple de rechercher des fournisseurs locaux pour le marché local, des fournisseurs nationaux pour le marché national et des fournisseurs internationaux à l'international. Ce n'était pas plus compliqué que cela.

Lorsque nous avons créé Coopernic, M. Collot vous l'a dit, nous avons décidé de ne retenir qu'un nombre de fournisseurs limité, de dimension internationale. Jamais un agriculteur ou une coopérative agricole nationale ou régionale n'a été appelé à venir discuter avec nous à la même table que Nestlé, Procter & Gamble ou Unilever.

Il faut que vous soyez pro-français. Si vous nous ramenez en permanence à la dimension nationale, vous faites le jeu du cloisonnement de chaque marché européen contre lequel la Commission européenne se bat, car il empêche les consommateurs français de bénéficier du meilleur prix pratiqué sur le marché européen.

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