Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Nous voici donc parvenus à la conclusion de la partie relative aux recettes du projet de loi de finances pour 2018 – PLF.

En attendant que soient battus les records d'austérité lors de l'examen des dépenses et du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – cette semaine aura confirmé que ce budget est le plus inégal de la Ve République.

Par le passé, d'autres auront voulu un instaurer un bouclier social, voire un bouclier fiscal : vous instituez un bouclier du capital.

J'aimerais, dans les cinq minutes qui me sont imparties, éveiller chez nos collègues La République en marche, qui vont bientôt voter, au moins la conscience du principe de précaution. Nous nous retrouvons en effet face à une majorité inédite, qui applaudit debout la casse du code du travail, la fin de l'ISF, la flat tax, comme d'autres, hier, saluaient les congés payés, le vote des femmes, la légalisation de l'IVG ou l'abrogation de la peine de mort.

Je suppose donc, mes chers collègues, que vous avez le sentiment de vivre des heures historiques, au nom de l'intérêt général. Je veux le croire. Pensez-vous cependant être accueillis, de retour dans vos circonscriptions, par des hourras, des salves d'applaudissements, des manifestations d'allégresse ?

Car le bilan de cette semaine est sans appel : 9 milliards offerts aux plus riches, détenteurs du capital, des miettes aux 9 millions de pauvres, une baisse du pouvoir d'achat pour les autres.

Reprenons donc le pari pascalien que vous avez fait, monsieur le ministre : ces 9 milliards, accordés sans aucune contrepartie concrète, permettraient un investissement productif. Nous avons été nombreux à vous demander comment vous comptiez vous y prendre. Nous avons reçu, à un moment donné, cette réponse : le bon sens !

Ignorez-vous à ce point l'histoire, chers collègues, monsieur le ministre, pour oublier que pas une fois le capitalisme ne s'est régulé et gendarmé de lui-même, et qu'il n'a consenti au compromis que sous la contrainte des pouvoirs publics ou des faits historiques, qu'il s'agisse de mouvements sociaux ou de circonstances exceptionnelles et civilisationnelles – le New Deal, 1936, la Libération ?

Au final, il y a fort à parier que ces 9 milliards alimenteront encore un peu plus la rente, celle-là même pour laquelle, au nom de ses intérêts, s'exerce toute la pression vers le bas sur les productifs de ce pays, qu'il s'agisse des TPE-PME, des salariés, des artisans ou des agriculteurs.

Car nous la paierons tous. Dès lors que vous vous placez dans la logique des déficits imposée par Bruxelles, certes avec le consentement complice des gouvernements successifs de ce pays depuis des années, vous devez inévitablement prendre aux plus pauvres ce que vous donnerez aux plus riches. Et vous le faites ! Vous le faites en refusant tous les amendements qui visaient à limiter les niches fiscales, dont chacun reconnaît le caractère scandaleux. Vous le faites en augmentant la CSG, en baissant les APL, en instaurant une taxe carbone qui ne concerne que les particuliers. Vous le faites par 15 milliards au moins de dépense publique.

Cette politique enrichit les plus riches et le capital et appauvrit l'État. Elle désintègre la dimension redistributive de l'impôt, qui est la base du consentement républicain à celui-ci.

En quelques mois, vous incarnez la marche arrière vers le XIXe siècle, vers le travail à la tâche, que vous avez encore amplifié en multipliant par deux le plafonnement applicable aux auto-entrepreneurs, ce qui s'ajoute aux ordonnances, aux fameuses directives sur les travailleurs détachés, dont vous vous enorgueillissez alors que vous légitimez le dumping interne et qui font de Mme Pénicaud la ministre la plus anti-sociale de la Ve République, mais aussi la plus appréciée du MEDEF.

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