Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Comme à chaque fois, le nouveau gouvernement présente ses annonces pour restaurer l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Si nous n'avons nul doute sur ses intentions, nous sommes en revanche très sceptiques sur les moyens qu'il utilise pour y parvenir : il y a loin de l'intention à l'action ! En 2017, vous bénéficiez, après d'autres gouvernements, d'une situation qui s'est améliorée, et je m'en réjouis pour la France. En 2018, la sécurité sociale devrait bénéficier à nouveau de cette situation, ce qui lui permettra d'afficher un déficit de 2,2 milliards d'euros, contre 5,2 milliards en 2017, si l'on inclut le Fonds de solidarité vieillesse. Car tantôt on l'enlève, ce fameux FSV, tantôt on le rajoute… À croire qu'il est devenu une simple variable d'ajustement de la communication des gouvernement sur l'équilibre des comptes sociaux !

Si les comptes de la sécurité sociale se redressent aujourd'hui, c'est pour deux raisons. Cela tient en grande partie aux réformes précédentes, à commencer par la réforme des retraites conduite en 2010 ; c'est notamment grâce à elle que la branche vieillesse est passée d'un déficit considérable, de 8,9 milliards d'euros en 2010, à un excédent de 1,3 milliard cette année. Cela tient ensuite à la situation économique très favorable, les comptes sociaux y étant extrêmement sensibles. La masse salariale devrait ainsi progresser de plus de 3 % en 2017 et d'autant en 2018. Or, plus de travailleurs, c'est plus de cotisations sociales, moins de prestations versées, donc un rééquilibrage beaucoup plus rapide. Cela étant, la sensibilité aux cycles conjoncturels est aussi forte à la baisse qu'à la hausse. Il convient donc de faire montre d'une grande prudence, d'autant que le chômage risque de peu baisser en 2018.

Madame la ministre, vous nous annoncez un énième plan de sauvetage, qui repose pour l'essentiel sur trois volets que nous connaissons bien, car ils ont été présentés par tous vos prédécesseurs, avec plus ou moins de bonheur : une réforme de l'hôpital, la baisse du prix du médicament et la lutte contre la fraude. Ce PLFSS est en ce sens extrêmement classique, et vraiment pas à l'échelle de ce qu'il faudrait faire.

Vous devrez réaliser des économies massives dans les années qui viennent. Dans l'interview que vous avez accordée au Journal du dimanche dimanche dernier, vous avez affirmé, madame la ministre, que 30 % des dépenses n'étaient pas pertinentes. C'est un sacré chiffre : 58 milliards, sur les 195 de la sphère maladie ! Vous dites que ces dépenses n'ont pas lieu d'être. Mais de quoi s'agit-il, de quelle nature sont ces prestations inutiles ? Y a-t-il trop d'actes, trop de radios, trop de confusion entre médecine de ville et médecine hospitalière ? Quelles conclusions en tirez-vous, allez-vous vous attaquer à ces gaspillages, si c'en sont bien, et si oui, comment ? Comment allez-vous faire pour réduire le nombre de prescriptions inutiles ? Il faut vous expliquer sur tout cela, et j'espère que l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra d'aller jusqu'au bout du débat, car 58 milliards d'euros, ce n'est pas rien.

Le Président de la République avait, de son côté, annoncé 60 milliards d'euros de réduction de la dépense publique durant le quinquennat. Les 58 milliards de dépenses inutiles de la sécurité sociale sont-ils compris dedans ? Si tel était le cas, M. Darmanin serait ravi : il lui resterait bien peu à faire ! Bref, tout cela est un peu confus. Allez-vous redéployer ces crédits, une fois que vous aurez mis fin au gaspillage ? Autrement dit, derrière ces propos journalistiques, qu'avez-vous voulu dire exactement, madame la ministre ?

Nous avons donc besoin de visibilité. Allez-vous fermer des hôpitaux ? Si oui, lesquels ? Allez-vous diminuer le nombre de lits ? Jusqu'à quel point diminuerez-vous les prix des médicaments, sachant qu'ils ne sont pas si élevés que cela aujourd'hui, puisqu'ils ont été rabotés au fil des années et qu'ils doivent désormais se situer dans la moyenne européenne. Ne prenez-vous pas le risque d'affaiblir la recherche française et ce beau secteur d'activité qu'est la pharmacie ?

S'agissant de l'ONDAM, vous surestimez probablement la progression tendancielle, c'est classique, pour gonfler les économies affichées. Peut-être un ONDAM de 1,7 % ou 1,8 % est-il très ambitieux, peut-être ne peut-il être atteint qu'à l'aide d'artifices comptables, mais il y a tout de même un écart important entre les 2,3 % que vous proposez, les 1,7 % ou 1,8 % fixés à plusieurs reprises par le précédent gouvernement et le tendanciel que vous évaluez à 4,5 %. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode ; en tout cas, elle n'est pas assez claire pour que l'on puisse apprécier l'effort demandé.

Nous sommes pour notre part favorables à une maîtrise durable des dépenses sociales. Pour y parvenir, il faut de vraies réformes structurelles – ce qui est certes compliqué, puisqu'il faut affronter l'opinion.

La première de ces réformes structurelles, c'est celle des retraites, qui représentent le premier poste de dépenses. Il convient de prolonger la réforme de 2010. Réformer en instaurant un système par points, c'est intéressant, mais cela ne changera rien sur le plan financier.

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