Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Vous repoussez la généralisation du tiers payant. Tant mieux ! C'est ce que nous avions demandé, et c'est une belle victoire pour l'opposition. Toutefois, est-ce un report ad vitam æternam ou un report pour raisons techniques, comme c'est le cas pour le prélèvement à la source ? C'est fou d'ailleurs comme les raisons techniques sont de bons alibis pour supprimer des réformes…

Vous êtes moins indécis en ce qui concerne la CSG : vous vous livrez à un véritable règlement de compte avec ceux qui vont payer ses 25 % d'augmentation, c'est-à-dire, au-delà des épargnants, les retraités ! Vous évoquez une possible compensation par une exonération de taxe d'habitation pour les plus modestes, mais n'eût-il pas été plus rapide de décider que les plus modestes des retraités ne verraient pas leur CSG augmenter ? Vous auriez pu les en exonérer, au lieu d'aller chercher un autre impôt qui n'a rien à voir et leur dire : « Vous voyez, c'est donnant donnant ! ». Le donnant donnant n'est pas une bonne méthode fiscale.

Ajoutons à cela le décalage de la revalorisation des pensions de retraite. En définitive, vous gelez les pensions en 2018. Cela coûtera 525 millions d'euros en pouvoir d'achat aux retraités. C'est énorme !

Un mot concernant les fonctionnaires. Non seulement les mécanismes de tuyauterie entre la sécurité sociale et l'État sont extrêmement complexes, mais je note que vous allez probablement décider une compensation. Il est vrai que le décalage dans le temps entre l'augmentation de la CSG, au 1er janvier, et la réduction des cotisations sociales entraînera un bénéfice pour la sécurité sociale, qui sera transféré à l'État ; mais comment allez-vous faire quand ce décalage de trésorerie n'existera plus ? Quelles sont vos intentions en ce qui concerne les fonctions publiques territoriale et hospitalière ? Le ministre Darmanin a dit qu'il y aurait un remboursement complet pour les collectivités : qu'en est-il ?

En outre, je suis assez choqué par l'idée de supprimer la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 %. Cette mesure avait un sens. Vous qui aimez le risque et luttez contre la rente, pourquoi supprimer cette contribution de solidarité entre le secteur public, protégé, et le secteur privé, exposé ? C'était une manière d'affirmer la solidarité entre les fonctionnaires, qui ne courent pas le risque du chômage, et les travailleurs du secteur privé, qui en souffrent. Pourquoi supprimer cette contribution ? Ce n'est pas anodin ; cela veut dire que désormais, la fonction publique ne contribuera plus à la solidarité avec le secteur privé exposé.

Enfin, s'agissant des familles, l'augmentation de 40 millions d'euros des prestations pour les familles monoparentales ne compensera en rien la baisse du montant de la PAJE. Les familles seront perdantes, et je le regrette.

Quant au caractère universel des allocations familiales, si vous y mettez fin, alors il faudra mettre fin à l'universalité des cotisations. Vous allez ouvrir la boîte de Pandore : dès lors, pourquoi ne pas mettre sous condition de ressources l'intégralité des prestations de sécurité sociale ? Envisagez-vous de mettre sous condition de ressources le remboursement des dépenses de maladie ? Dans ce cas, étendrez-vous cette idée saugrenue aux affections de longue durée ? Si vous ouvrez cette porte, cela pourra vous emmener très loin !

Pour ce qui est du CICE, nous en avons déjà parlé et nous continuerons à le faire. Au passage, vous augmentez les charges des entreprises : ce n'est pas possible !

Je sais que réformer en profondeur est difficile, mais c'est le moment. Des moments comme celui-ci sont très rares dans l'histoire d'une nation, avec des circonstances économiques aussi favorables en France et en Europe. Vous n'avez pas su en profiter : il n'y a ni rupture fiscale, ni rupture sociale, contrairement à ce que vous aviez annoncé.

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