Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du mardi 10 septembre 2019 à 15h00
Mobilités — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Le Gouvernement entend ainsi faire subir aux Français le même hold-up que celui auquel il a été procédé en 2006 sur les autoroutes. Celles-ci avaient été vendues au privé pour une bouchée de pain, bien en deçà de leur valeur réelle, alors que leur exploitation commençait tout juste à rapporter de l'argent à l'État. Grâce à cette magnifique opération, nous perdons 2,5 milliards d'euros tous les ans, 2,5 milliards qui auraient pu servir, par exemple, à financer 25 000 postes de professeur des écoles et autant de postes d'infirmier et d'infirmière, et ce chaque année – de quoi améliorer concrètement la vie de millions de Français dès cette rentrée.

Quelqu'un disait : « Il n'y a pas d'argent magique. » Mais les actionnaires des sociétés d'autoroutes vous diront le contraire : ils touchent 2,5 milliards d'euros par an de dividendes et leurs profits liés aux péages ont augmenté de 20 % en dix ans. Les centaines de gilets jaunes descendus dans la rue cet hiver apprécieront le geste !

Quiconque a commis pareille erreur comptable, si préjudiciable à l'État, devrait normalement être remercié et démis de ses fonctions dans les plus brefs délais. Eh bien non : ces gens sont encore au pouvoir, ou dans ses coulisses et ses arcanes, en train de rédiger des rapports destinés à démontrer combien il est urgent d'offrir sur un plateau d'argent à des sociétés privées telle ou telle partie du patrimoine de tous les Français.

Quand il s'agit de dépecer les biens publics, les décideurs publics se font toujours pudiques et cherchent à conclure les ventes dans la plus grande discrétion. Ils ont raison, car les Français ne veulent pas de ces privatisations qui vont contre l'intérêt général et remplissent les poches de ceux qui ont leurs entrées à l'Élysée.

Mais je reviens au sujet qui me préoccupe aujourd'hui. Dans l'affaire qui concerne nos routes nationales, l'opacité est poussée à son paroxysme. Il existe en effet un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur l'opportunité de concéder des routes nationales. Ce rapport, qui porte le nom de ses deux auteurs, MM. Rapoport et Roche, a été remis à Mme Borne en décembre 2018 ; il a été gardé secret depuis. J'ai demandé officiellement à y avoir accès dans un courrier adressé au secrétaire d'État chargé des transports, M. Djebbari, lequel courrier est resté à cette heure sans réponse. Comment peut-on demander à des députés de voter sur un texte sans en connaître les conséquences budgétaires, environnementales et sociales ?

Cette opacité est un scandale démocratique. C'est bien la peine de vous gargariser à longueur de journée du mot de démocratie si vos actes disent le contraire !

Voilà pourquoi nous avons déposé et vous demandons de voter la présente motion de rejet préalable.

Mais il y a un autre cadeau qui risque, lui, de ne pas arriver à destination : je veux parler d'Aéroports de Paris – ADP – , qui a rapporté à l'État plus de 610 millions d'euros de bénéfices en 2018, et que M. Macron veut brader à Vinci, groupe qui profite déjà tous les jours de nos autoroutes. En effet, malgré tous les efforts que vous avez déployés pour faire passer discrètement ce nouveau cadeau, le référendum d'initiative partagée est bel et bien sur les rails : ce sont désormais plus de 720 000 Français et Françaises qui ont signé la demande de tenue d'un référendum sur la privatisation d'ADP.

Alors que le Gouvernement s'apprête une nouvelle fois à déshabiller les Français pour enrichir les actionnaires, il ne restera bientôt plus aux citoyens que le gilet jaune et le référendum d'initiative partagée pour faire entendre la colère d'un peuple que l'on dépouille de ses biens !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.