Intervention de Vincent Descoeur

Séance en hémicycle du mercredi 11 septembre 2019 à 15h00
Mobilités — Article 15 bis b

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Descoeur :

Si vous rejetez cet amendement, vous écarterez de ce dispositif 3 000 kilomètres de routes nationales. Une vingtaine voire une trentaine de départements seront concernés, alors que ce sont ceux-là même qui rencontrent les plus grandes difficultés et qui sont les plus enclavés. En effet, ce sont souvent des départements ruraux et de moyenne montagne. Et voilà qu'ils seront privés de la possibilité d'adapter la limitation de vitesse ! Aucun d'entre eux n'a la prétention d'autoriser la conduite à 90 kilomètres à l'heure sur toutes les routes. Nul besoin d'un arrêté du Premier ministre pour rouler à moins de 80 kilomètres à l'heure sur une route sinueuse de montagne ! Nous y avions pensé avant que l'idée ne lui traverse l'esprit.

Le fait est que les temps de trajet seront ramenés au niveau de ceux des années 1980. Dans le Cantal, la moyenne horaire ne dépasse pas 60 kilomètres à l'heure. Puisque vous avez évoqué la route nationale qui traverse mon département d'est en ouest, monsieur le secrétaire d'État, j'ai consulté le navigateur ViaMichelin – même si j'emprunte habituellement cette route sans m'inquiéter du GPS. Entre Massiac et Maurs, soit 120 kilomètres, ViaMichelin annonce deux heures et vingt minutes de trajet ! Deux heures vingt, ce qui correspond à une moyenne horaire inférieure à 55 kilomètres à l'heure ! Voilà notre réalité ! Nous souhaitons donc, pour les tronçons présentant des conditions de sécurité avérées, pouvoir dépasser des convois de véhicules lents. Permettez-moi une remarque quelque peu bucolique que j'ai formulée en commission : la transhumance du bétail prendra fin dans quelques semaines, et les automobilistes seront contraints de suivre des véhicules roulant à 40 kilomètres à l'heure ! Ce n'est pas plus compliqué que cela !

Aujourd'hui, tout le monde cherche à gagner du temps. Lorsque nous rentrerons dans nos circonscriptions, nous serons informés à Orly que, grâce au Grand Paris Express, le centre de Paris sera bientôt à moins de quinze minutes de l'aéroport. Là, c'est fabuleux. Mais nous, lorsque nous demandons de ne pas perdre deux, cinq ou dix minutes, nous sommes traités comme quantité négligeable et citoyens de seconde zone. Nous, nous avons du temps à perdre, quand les autres doivent se précipiter. Certains demandent des gares TGV supplémentaires, d'autres souhaitent les supprimer pour aller plus vite. Nous, comme l'État a oublié d'aménager notre route nationale, nous n'avons qu'à prendre notre temps. C'est assez insupportable !

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que notre route nationale était accidentogène, mais un examen un peu plus attentif vous apprendrait qu'elle l'est surtout dans ses portions sinueuses, tronçons qui ne seraient évidemment pas concernés par l'assouplissement de la limitation à 80 kilomètres à l'heure.

Beaucoup de personnes considèrent que la question de la limitation de vitesse n'est pas étrangère à la colère qui s'est exprimée en fin d'année dernière, parce qu'elle nourrit, à juste titre, le sentiment d'abandon et de fracture territoriale. Si vous n'accédez pas à notre demande légitime, vous aggraverez la fracture territoriale, puisqu'il y aura une nouvelle catégorie de territoires, constituée d'une vingtaine de départements, dans lesquels il sera interdit de rouler à plus de 80 kilomètres à l'heure sur les routes nationales. L'expression courante de « France à deux vitesses » trouvera ici une parfaite illustration. Tout cela n'est pas acceptable.

Certains de nos collègues ont défendu la pertinence de la mesure d'assouplissement. Un comité indépendant a participé au débat sur les chiffres en en produisant ; malheureusement, les statistiques du mois d'août laissent à penser que tous les problèmes ne sont pas résolus, ce que tout le monde ici regrette. Encore une fois, évitons de présenter ce débat comme une querelle opposant les sachants prudents et les fous du volant. Ni les uns ni les autres n'ont de leçon à recevoir. Nous demandons simplement l'égalité de traitement. Vous vous apprêtez à commettre une injustice territoriale : parce que vingt départements n'ont pas de réseau moderne à la hauteur, vous dites à leurs habitants de ralentir. Ce n'est pas acceptable. Notre collègue Di Filippo vient d'en parler, une étude montre que les personnes effectuant, pour des raisons professionnelles, plus de 100 000 kilomètres par an sur ces routes perdent plus d'une semaine par an en temps de trajet dès lors qu'ils doivent suivre des convois de véhicules lents.

J'exhorte nos collègues à faire preuve de solidarité territoriale. Une décision a été prise : vous avez accepté à juste titre, je vous en remercie, de relever la vitesse maximale autorisée sur les routes communales et départementales ; nous vous proposons la même chose pour les routes nationales.

J'avais défendu l'idée du relèvement de la vitesse autorisée dans une question au Gouvernement, à laquelle M. le Premier ministre m'avait répondu que l'assouplissement multiplierait les ruptures de vitesse sur les itinéraires routiers. Soit. Mais si vous écartez la possibilité d'augmenter la vitesse maximale autorisée sur 3 000 kilomètres de route, nous pourrons vous retourner l'argument. Vous allez créer de la confusion !

Je ne désespère pas que vous puissiez entendre raison. Je vous mets en garde, avec sympathie et de manière bien intentionnée, contre la déception et la désillusion que le rejet de cet amendement entraînerait dans les campagnes. Nos concitoyens avaient compris que la vitesse maximale autorisée était de nouveau 90 kilomètres par heure et que l'assouplissement était entériné ; vous aurez donc du mal à leur expliquer que si le Premier ministre a bien fait un pas en arrière, il refuse de manger son chapeau et d'intégrer des routes nationales dans le dispositif. Ce n'est pas acceptable !

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