Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mercredi 11 septembre 2019 à 21h30
Mobilités — Article 26 ab

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Les membres du groupe socialiste sont fiers d'avoir lancé l'idée de légiférer sur les publicités pour l'avion ou la voiture. Certains veulent à présent agir sur le même plan.

Tout à l'heure, quand j'ai demandé des précisions sur le budget de l'ADEME, il ne s'agissait nullement de jouer la comédie. À l'instant, mon collègue Matthieu Orphelin a donné des chiffres qui me laissent stupéfait. Le CNRS – j'ai récemment visité un laboratoire, c'est extraordinaire, vous devriez le faire dans vos circonscriptions, on y voit l'avenir de notre industrie, de la recherche, les solutions pour le futur – a un budget inférieur à celui de la publicité automobile.

Le budget de la publicité pour les automobiles est équivalent à sept fois le budget de l'ADEME, soit environ 500 millions d'euros. Il équivaut donc à mille fois le budget consacré aux publicités de l'ADEME, qui visent à modifier notre comportement.

Dire cela, ce n'est pas accuser le président Macron, ni le Premier ministre, encore moins Mme la ministre, Élisabeth Borne. C'est poser une question de civilisation. Nous sommes dans un monde qui consacre mille fois plus d'argent à la publicité automobile qu'à celle de l'ADEME. Tous nos efforts en faveur des véhicules hybrides et électriques, et ceux visant à réduire la consommation d'énergie sont ruinés par le boom des utilitaires sportifs – les SUV – , des 4x4 et autres folies.

Au sein de cette assemblée qui doit légiférer pour s'attaquer au plus grand problème du siècle, le changement climatique, certains affirment que les Français ne doivent connaître aucune baisse de leur pouvoir d'achat en matière de transports, et qu'ils doivent pouvoir aller chez le médecin, au travail, à l'école, sans qu'on les embête.

Pourtant, ceux qui font le choix d'acheter un véhicule qui consomme 50 % ou 100 % de plus que les autres doivent au moins être informés des conséquence de leurs actes, lesquels causent des dégâts à la planète et nuisent à la santé publique, car la facture devra être payée un jour, et elle sera notamment par les plus sobres, ceux qui auront naïvement écouté le message de l'ADEME.

Quel est le principal frein à la conversion des comportements en faveur de la transition écologique ? Les sociologues apportent tous la même réponse : c'est le sentiment que les efforts que l'on fait soi-même sont ruinés par la désinvolture ou le mépris d'un autre, d'un voisin.

Des dispositifs de régulation de la publicité ont été créés pour le tabac, pour l'alcool, pour les situations où c'était nécessaire. Si l'on prend conscience des problèmes écologiques et que l'on est sérieux, de nouveaux dispositifs doivent être créés aujourd'hui. Il ne s'agit nullement de porter atteinte à la liberté, mais de s'attaquer à un luxe qui a des conséquences néfastes pour tous.

Vous nous assurez, monsieur le secrétaire d'État, que les moteurs vont évoluer progressivement grâce à la réglementation européenne. Le Président de la république, lors du G7, a annoncé que nous avions dix ans pour changer. Nicolas Hulot et toutes les autorités disent la même chose : nous avons dix ans. Quelle est la durée nécessaire pour que le parc automobile change ? Entre cinq et dix ans. Si l'on ne prend pas des mesures dès aujourd'hui, afin de mettre fin au suréquipement motorisé, qui génère un surcoût en matière de consommation et de pollution, nous ne serons pas prêts dans dix ans.

La mesure que nous proposons n'est pas de nature à ruiner les constructeurs automobiles dans un futur proche. Elle donnera une impulsion qui ne nuira pas à notre qualité de vie et dont les effets seront visibles dans dix ans. Il faut simplement indiquer dans les publicités les conséquences de tel ou tel achat sur le climat, en complément des mesures fiscales que nous proposerons dans le PLF. Cela permettra de tarir cette pollution à la source.

Nous devons nous interroger : que faisons nous ici quand le Gouvernement et la majorité protègent des pratiques qui n'ont pas d'autre justification qu'un désir de puissance et un érotisme fondés sur l'imitation ? C'est cela la publicité automobile. Sommes-nous capables de dire que ce discours-là est nuisible, comme l'alcool ou le tabac, parce qu'il nuit à notre santé, à la santé des autres, à la planète ? Si la puissance publique n'est pas capable d'imposer cela par la loi, c'est qu'elle abdique devant la puissance privée et qu'elle lui laisse la toute-puissance. Autant dire que nous créons un enfer pour nos enfants.

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