Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 20h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je serai brève, mais cette brièveté est inversement proportionnelle à l'immensité de notre tâche. Nous ouvrons une séquence inédite en ce sens que chaque projet de loi de bioéthique affronte les enjeux toujours singuliers d'une époque. La France a la chance d'organiser à intervalles réguliers un grand débat de société, au cours duquel la science rencontre nos grands principes éthiques. Cette rencontre a lieu chaque jour dans le quotidien des Français, dans les discussions familiales ou entre amis. Mais, à l'heure des choix, un lieu s'impose : le Parlement.

Ce rendez-vous, nous l'avons préparé ensemble. Le projet de loi que je vous présente ce soir, aux côtés de Nicole Belloubet et de Frédérique Vidal, a été largement nourri de vos travaux – ceux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et de la mission d'information.

À la demande du Premier ministre, le ministère des solidarités et de la santé, le ministère de la justice et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont organisé une série de séminaires pour présenter, de façon neutre et approfondie, aux parlementaires qui le souhaitaient les questions mises en débat.

Des revendications nouvelles ont émergé, dans une société qui évolue et où les modèles et les repères ne sont jamais figés. Nous ne pouvons pas non plus ignorer que des marchés se développent, que des pratiques prospèrent dans d'autres pays et que les frontières s'effacent. La France a fait le choix que les représentants du peuple décident de ce qui est permis et interdit dans le champ de la bioéthique. Peu de pays mènent cette réflexion parce qu'elle nécessite à la fois la capacité à déployer les techniques médicales dont il est question, un régime politique démocratique stable, et une volonté collective de défendre une certaine vision de la liberté, de l'humanité et de la solidarité.

Cette réflexion profonde sur la société dans laquelle nous voulons vivre et que nous voulons proposer aux générations futures, nous y sommes. Elle doit se dérouler dans la sérénité, sans caricature ni raccourci ou clivage artificiel. Nous avons tous des doutes qui subsistent ou des convictions qui s'affinent, mais chacun sera, je le sais, respectueux de la contradiction. C'est au prix d'un débat apaisé et exigeant que nous donnerons un nouveau cadre bioéthique à notre pays.

La voix de la France sur ces sujets porte bien au-delà de ses frontières, en Europe et dans le monde. Face à certaines pratiques, nous devons avoir le courage de ne pas faire du moins-disant éthique la nouvelle référence. Les limites que nous fixerons ne représentent pas un risque de nous exclure de certains marchés, mais une chance de donner des repères à tous.

Le projet de loi que vous allez examiner dessine, en une trentaine d'articles regroupés en sept titres, un cadre permettant à la liberté de chacun de s'exprimer dans le respect de l'intérêt collectif. Il accorde de nouveaux droits, apporte les ajustements rendus nécessaires par les évolutions, tant techniques et technologiques que sociétales. Enfin, il s'intègre à l'édifice bioéthique qui, depuis vingt-cinq ans, assure en France un équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, l'autonomie de chacun et la solidarité de tous. Ces grands principes ont guidé chaque ligne du projet de loi ; ils ne sont nulle part mis en danger.

Nous aurons évidemment l'occasion de débattre précisément de chacun des articles, mais j'aimerais m'attarder sur certains. L'article 1er, qui concentre tant de débats, est une mesure majeure. Ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes non mariées, avec une prise en charge par l'assurance maladie, c'est ouvrir les yeux sur ce qu'est la famille française contemporaine, une famille aux nombreux visages, qui s'épanouit sous des formes diverses.

Bien d'autres sujets sont majeurs : l'accès aux origines, qui est un véritable changement de paradigme pour les enfants, l'autoconservation de gamètes pour les femmes et les hommes, l'amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques dans le champ de la bioéthique, la transmission des informations génétiques, l'élargissement des missions des conseillers en génétique, ou encore l'accompagnement de la médecine génomique, dans le cadre du soin ou de la recherche, dans le respect de nos valeurs éthiques.

Les sujets que nous allons aborder sont parfois – souvent même – d'une grande technicité. Pour autant, ils recouvrent des enjeux qui auront une incidence très concrète sur le quotidien des Français. Je nous souhaite des débats riches, exigeants, respectueux et constructifs. Comme mes deux collègues, j'aurai à coeur de répondre à toutes vos interrogations.

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