Intervention de Thibault Bazin

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 20h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Le groupe Les Républicains considère que les questions de bioéthique nécessitent une approche caractérisée par l'écoute et la prudence. Dans la mesure où ces questions touchent à l'intime, aux valeurs et aux convictions de chacun, les députés Les Républicains, ayant des avis différents, disposeront d'une liberté de vote absolue. Sur ces enjeux, chacun s'exprime en conscience ; ma parole ne prétend en aucun cas refléter l'opinion de la totalité de mes collègues. Il s'agit uniquement de souligner les enjeux éthiques qu'impliquent, selon moi, les mesures proposées et les questions qu'elles soulèvent.

Je tiens, en préambule, à réaffirmer mon profond attachement au respect de la dignité de chaque personne, avec ses vulnérabilités. Nous abordons ce débat dans un état d'esprit constructif, convaincus que ce projet de loi de bioéthique exige une responsabilité accrue du législateur, tant son impact est important. Il nous faut légiférer afin de mieux faire face aux nouveaux défis de la science. L'univers des possibles s'est élargi ; techniquement, on peut créer des gamètes artificiels, des embryons transgéniques, des bébés à trois ADN, des chimères.

Nous adopterons trois approches différentes en fonction des articles du texte, qui en compte trente-deux. Nous soutiendrons ceux qui vont dans le bon sens. Nous souhaitons en enrichir certains, les assortir de garde-fous, en particulier en ce qui concerne l'intelligence artificielle et les données génétiques, par des propositions visant à clarifier et rassurer. Dans quelle mesure pourriez-vous accepter ces propositions ? D'autres articles, enfin, nous semblent trop risqués en l'état, mettant potentiellement en danger des principes fondamentaux du droit de la bioéthique français, tels que la primauté de la personne humaine, la protection du corps humain, sa non-marchandisation et la protection de l'espèce humaine. Si nos débats confirment des alertes déjà émises par les états généraux de la bioéthique, le CCNE, le Conseil d'État et même des experts auditionnés récemment, dans quelle mesure pourriez-vous retirer les dispositions dont les effets conduiraient – je le dis sans exagération, mais sans minimisation non plus – à amenuiser l'effectivité de nos principes éthiques ?

Quel monde souhaitons-nous pour demain ? Nous souhaitons une recherche, une santé, une justice aussi éthiques que possible. L'objectif peut être partagé, mais comment y parvenir ? Face à la montée de l'individualisme, notre société peut-elle, doit-elle parfois dire non au désir individuel ? Gouverner c'est choisir. Or ce projet de loi semble renoncer à fixer précisément des critères, à définir des priorités, laissant potentiellement la place à des conflits et à des injustices. Les incidences de la promotion du rôle de la volonté et de l'intention ont-elles été pleinement mesurées juridiquement ? Pourquoi ne pas donner la primauté à l'éthique de la vulnérabilité, fondée sur la protection des plus fragiles, et à l'intérêt supérieur de l'enfant ? Sous couvert de finalités humaines qui peuvent être louables, ne risque-t-on pas d'utiliser des moyens indignes, d'aboutir à la marchandisation du corps, à l'absence de consentement libre et éclairé ? L'embryon dont sont issues les cellules souches embryonnaires perd-il, du fait de sa destruction, son caractère humain, son potentiel le plus identifiant, en passant parfois du statut de sujet à celui d'objet ?

Mesdames les ministres, les ressources – humaines et budgétaires – sont limitées. Quelles priorités souhaitez-vous, demain, pour la recherche, l'assurance maladie, la politique familiale ? Êtes-vous prêtes à mener une politique publique cohérente, à promouvoir la recherche sur la fertilité, une santé publique axée sur les pathologies et une politique permettant de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale ? Dans un monde qui promeut la parité, pourquoi minimiser l'altérité sexuelle ? Quelle place auront les pères, les hommes dans la société de demain ? Dans un monde qui promeut le respect de la nature et du bio, pourquoi ne pas privilégier les voies naturelles quand elles sont possibles ?

Pour conclure, j'espère que ce projet de loi fera preuve d'audace et de courage, pour une bioéthique à la française : le courage de refuser le techniquement possible qui n'est pas souhaitable, l'audace de tenter de réguler les techniques qui peuvent, dans leurs excès, se révéler irrespectueuses de la dignité humaine. J'espère que nos débats aboutiront à une bioéthique exigeante, profondément valorisante pour la France, car nous défendrons, pour la société de demain, une certaine idée de la personne humaine.

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