Intervention de Danièle Obono

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 20h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Ce projet de loi relatif à la bioéthique procède, selon nous, dans ses articles relatifs à l'extension des techniques d'assistance médicale à la procréation, au rétablissement d'un droit et non à une réflexion bioéthique. Le débat bioéthique a été tranché par la loi de 1994, qui a ouvert aux couples hétérosexuels la possibilité de recourir à cette technique. Il ne s'agit plus, dans ce cas précis, de se poser la question de la manipulation du vivant ou encore du caractère nécessairement biologique de la filiation : avec l'ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules du recours à l'assistance médicale à la procréation, c'est d'égalité qu'il s'agit. Placer cette décision sur le plan éthique appelle au moins deux remarques. D'une part, cela dénote, selon nous, une conception morale du droit des femmes à disposer de leur corps. D'autre part, le temps qui nous sépare de l'adoption du projet de loi est au mieux difficile à estimer, au pire long, très long. Or, redisons-le, c'est une question d'égalité, pas d'éthique ; et l'égalité, c'est maintenant – et il était temps.

L'égalité, donc ; rien de plus, rien de moins. Dès lors, il ne saurait s'agir d'une égalité sous conditions ou amoindrie. Nous voulons l'égalité des familles et non pas créer de nouvelles discriminations. Il n'y a pas de semi-égalité. L'égalité, cela veut dire la même chose pour tout le monde. Il n'est pas concevable, de notre point de vue, qu'une loi d'égalité discrimine les couples de femmes en introduisant des dispositifs dérogatoires par rapport au droit commun. La PMA avec donneur existe déjà, la double filiation maternelle aussi, la filiation avec un parent non-géniteur également. Nous voulons l'égalité réelle, pas seulement l'égalité sur le papier. C'est pourquoi nous nous inquiétons, avec d'autres, de la destruction planifiée du stock de gamètes. Il ne peut s'agir d'ouvrir un droit tout en bloquant l'accès réel faute de gamètes disponibles, sachant que, pour de nombreuses femmes entrant dans un parcours de PMA, le temps est compté. Nos travaux devront donc apporter des clarifications et des garanties sur ce point.

Nous ne voulons pas de discrimination en fonction du sexe à l'état civil. Or, alors qu'un homme transgenre n'ayant pas fait de changement à l'état civil aura accès à la PMA, puisqu'il sera considéré comme « femme seule » ou « femme en couple », un homme ayant modifié son état civil n'y aura plus accès. Nous regrettons par ailleurs que, d'une façon générale, les conséquences juridiques de la transidentité n'aient que peu, voire pas du tout, été prises en compte jusque-là par la majorité, malgré des propositions en ce sens.

Sur le plan de l'éthique, il y a des questions dont nous devrions – dont nous aurions pu – discuter, que nous aurions pu trancher, mais qui ne figurent pas dans le texte. Nous les avons abordées par voie d'amendements. Nous espérons ainsi que le débat avancera. Ces questions touchent à la liberté fondamentale de disposer de soi, notamment de son corps, et au consentement libre et éclairé.

Autant la PMA n'est plus une question bioéthique, autant les opérations non consenties réalisées sur les personnes présentant des variations du développement sexuel en sont une. Or le projet de loi ne l'aborde pas. Le problème touche 1,7 % des enfants. Des opérations non vitales sont pratiquées à un âge où ces enfants ne sont pas en mesure de consentir, avec des séquelles physiques et psychologiques très lourdes. La France a été rappelée à l'ordre trois fois par différentes instances – l'ONU, le Parlement européen et le Défenseur des droits –, qui demandent de mettre fin à ces opérations. Sur le plan éthique, c'est une question grave : comment peut-on tolérer plus longtemps que des enfants soient mutilés pour rendre leur sexe conforme aux attentes sociales du masculin et du féminin, alors qu'il n'y a pas d'urgence vitale, sans que soit respectée leur intégrité physique et que leur consentement soit recueilli ?

La question de la fin de vie n'est pas non plus abordée – je laisserai ma collègue Caroline Fiat y revenir. Plus généralement, les conditions du débat ne nous permettent pas d'aborder plus en détail, ici et maintenant, l'ensemble des autres questions éthiques posées par ce projet de loi en ce qui concerne la recherche ou encore l'intelligence artificielle. Nous y reviendrons, notamment dans les débats en séance.

Pour terminer, nous souhaitons remercier toutes celles et tous ceux qui se sont battus et qui continuent à se battre pour permettre que l'égalité proclamée dans notre devise soit une réalité. Le rétablissement des droits effectué dans ce texte est le résultat de ce combat ; cette victoire en appelle d'autres. Pour cela, nous serons au rendez-vous des débats et de la mobilisation.

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