Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 20h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Mme Aurore Bergé relevait, à très juste titre, que, dans le projet que nous vous proposons, nous ne stigmatisons pas l'orientation sexuelle. Mme Danièle Obono, tout à l'heure, s'inquiétait d'un risque de discrimination : telle n'est évidemment pas la direction empruntée par le projet de loi, qui n'introduit aucune stigmatisation de l'orientation sexuelle. Au contraire, nous avons souhaité, chaque fois que cela était possible, assurer la reconnaissance de l'hétérosexualité ou de l'homosexualité, sans aucune discrimination. Dans le travail que nous avons effectué, comme l'a souligné M. Guillaume Chiche, nous avons manifesté la volonté de n'offenser personne et de respecter les positions affirmées par les uns et les autres.

Monsieur Bazin, j'ai relevé dans vos propos trois types d'inquiétude. D'abord, vous affirmez que certains articles constituent ou pourraient constituer un danger – je suis certaine d'avoir entendu le mot « danger ». Je ne sais pas à quoi vous faisiez allusion : vous aurez l'occasion de nous le dire au cours des débats. Mes collègues et moi-même avons manifesté en permanence le souci de respecter les principes fondamentaux éthiques et juridiques qui structurent notre droit : la dignité des personnes, l'indisponibilité du corps humain, mais aussi le principe d'égalité, que l'on retrouvera en discutant de certains aspects juridiques.

Ensuite, vous nous avez interrogées sur la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme je l'ai dit tout à l'heure en corroborant un propos de Mme Coralie Dubost, et comme l'illustre le volet du texte consacré à la filiation, nous avons systématiquement pris en compte l'intérêt de l'enfant et l'égalité des droits des enfants.

Enfin, vous avez estimé que nous minimisons l'altérité sexuelle. Je ne pense pas que tel soit le cas. Nous la considérons comme une donnée puisque, vous le savez, nous ne modifions pas les droits aujourd'hui établis au profit des personnes hétérosexuelles. Nous créons de nouveaux droits pour les personnes homosexuelles, en l'occurrence les couples de femmes. Il n'y a donc aucune atteinte à l'altérité sexuelle.

Madame de Vaucouleurs, vous avez rappelé, au sujet de l'établissement de la filiation, l'exigence de la simplicité et de l'égalité des droits. Il me semble que c'est ce que nous avons cherché à faire. Plus nous travaillons avec vous, avec votre groupe comme avec les autres groupes, avec Mme la rapporteure, plus nous renforçons notre volonté de simplicité et d'égalité.

Monsieur Brindeau, madame Pinel, le mécanisme que nous vous proposerons demain, qui diffère légèrement de celui qui est présenté dans le projet de loi, repose sur l'idée du consentement à l'AMP devant notaire, aussi bien pour les couples de femmes que pour les couples hétérosexuels. Nous y ajoutons, pour les premiers nommés, une reconnaissance conjointe de l'enfant à naître, qui se ferait en même temps que le consentement à l'AMP. Le terme de « reconnaissance conjointe » diffère de celui de « déclaration anticipée » que nous avons employé dans le projet de loi. La reconnaissance conjointe va dans le sens de la simplicité et du rapprochement avec la situation des couples hétérosexuels. Vous le savez, lorsqu'un couple hétérosexuel non marié recourt à une AMP avec tiers donneur, le père procède quasi systématiquement à une reconnaissance de paternité anticipée, laquelle se rapproche très sensiblement de celle qui pourra être effectuée par un couple de mères. L'acte de naissance ne comportera aucune mention de la PMA, s'agissant d'un couple de femmes, mais signalera évidemment la reconnaissance, comme c'est le cas pour un couple hétérosexuel. La reconnaissance traduira un engagement mutuel entre les deux mères et sécurisera tant l'établissement de la filiation entre celles-ci que la filiation de l'enfant à naître. C'est en ce sens que nous prenons en compte la protection de l'enfant. Aucune distinction ne sera établie entre les femmes, selon qu'elles sont ou non mariées.

Je redis à Mme Obono que nous n'établissons pas de discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Nous avons vraiment le souci de créer des droits égaux pour les deux mères, ce qui est extrêmement important pour un couple homosexuel. Cela étant, nous avons pris acte du fait que la situation juridique des couples hétérosexuels et homosexuels n'est pas exactement identique. Nous considérons – cela me paraît fondamental – que le mode d'établissement de la filiation que nous proposons pour les couples de femmes est tout à fait novateur, puisqu'il repose sur un acte de volonté partagée. En ce sens, il me semble important que les couples de femmes n'aillent pas rechercher une filiation classique, fondée sur la vraisemblance biologique, dans la mesure où leur situation est un peu distincte. Nous allons la rapprocher le plus possible de celle des couples hétérosexuels ; néanmoins, nous créons un mode d'établissement de la filiation très novateur, sur la base du projet parental, de la volonté partagée.

Je pense avoir également répondu à M. Pierre Dharréville.

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