Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du lundi 9 septembre 2019 à 20h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

La loi et les nouvelles pratiques qu'elle introduit feront l'objet d'une publicité. L'Agence de la biomédecine sera autorisée à mener, dans le cadre légal, une campagne de promotion du don. En outre, la société aura été sensibilisée à ces questions pendant toute la durée de la discussion du projet de loi, qui produira probablement plus d'écho. En tout état de cause, les trois phases nous permettront de répondre à la question de la destruction du stock et au risque de pénurie.

Madame Pau-Langevin, nous ne sommes pas favorables au don dirigé de gamètes, qui consiste, pour une personne, à faire don de ses gamètes, ovocytes ou spermatozoïdes, à un bénéficiaire précis. Si cela paraît une solution pour résoudre la pénurie de gamètes – on peut imaginer qu'on donne plus facilement à sa soeur ou à son frère –, ce serait totalement contraire à notre éthique de l'anonymat du don. Nous n'avons aucun moyen d'assurer le caractère éthique et non contraint d'un don dirigé, ni de contrôler les conséquences à long terme de ce type de dons sur un enfant à naître. Nous craignons aussi que, par un effet de rebond, nos capacités à avoir des donneurs altruistes ne s'amenuisent : le seul don dirigé s'en trouverait favorisé au détriment des donneurs à l'ensemble de la population. Le don dirigé nous semble présenter trop de risques de dérives, de pressions financières ou morales entre les bénéficiaires et les donneurs. On ne peut exclure des rémunérations occultes, des pressions insaisissables au sein d'une famille, avec un enfant qui naîtrait grâce aux gamètes d'une personne connue. Nous jugeons cette mesure contraire à notre éthique.

Monsieur Brindeau, je crois que nous vous avons répondu sur l'encadrement des tests algorithmiques.

Madame Pinel, les causes environnementales de l'infertilité font l'objet du plan santé environnement. Vous avez suggéré que l'on harmonise les pratiques entre les centres d'AMP : conformément à son rôle d'animation, l'Agence de la biomédecine a pour tâche de favoriser, chez les professionnels, le partage des bonnes pratiques et l'harmonisation des procédures.

Madame Obono, je vous ai répondu sur le stock de gamètes. Vous affirmez que ce texte est une « loi d'égalité » qui « discrimine ». Je rappelle qu'une loi de bioéthique n'a pas pour objet d'assurer l'égalité des droits – qui débouche sur des sujets tels que la GPA. Une loi de bioéthique interroge une technique médicale à l'aune de nos principes éthiques. Elle vise, non pas à assurer l'égalité de tous les citoyens vis-à-vis de telle ou telle pratique, mais à vérifier qu'une pratique accessible techniquement répond à nos principes éthiques. Je ne peux donc pas dire que ce texte s'assigne un objectif d'égalité ; ce n'est pas comme cela que je souhaite le porter. Même s'il assure l'égalité d'accès à la PMA pour toutes les femmes, ce n'est pas son objet premier.

Vous avez abordé la question des personnes transgenres. Depuis la loi du 18 novembre 2016 relative au changement de sexe à l'état civil, la preuve d'une intervention médicale pour authentifier cette évolution n'est plus nécessaire. La loi a introduit une procédure déclarative, qui atteste de la volonté de changer d'état civil ; on n'a pas besoin d'être opéré ou traité. Dans la vie civile, seule l'identité indiquée à l'état civil d'une personne est prise en compte. Ainsi, une femme devenue un homme à l'état civil, même en ayant conservé son appareil reproducteur féminin, est un homme et sera considérée comme tel au regard de l'assistance médicale à la procréation, car c'est l'état civil qui est pris en considération dans la loi. Selon celle-ci, un homme à l'état civil ne peut pas avoir accès à la PMA seul, ni en couple avec un autre homme, même s'il a gardé son appareil génital féminin. En revanche, il pourra y avoir accès, s'il est en couple avec une femme, et c'est cette dernière qui portera l'embryon ou l'insémination.

La question des enfants intersexes ne relève pas, à proprement parler, de la bioéthique, car ils font l'objet d'une intervention chirurgicale standard qui n'implique pas une nouvelle technique, un progrès scientifique. La prise en charge médicale précoce des enfants présentant des variations du développement génital est déjà soumise à la législation : une intervention chirurgicale pratiquée précocement et ne répondant à aucune nécessité médicale est interdite par la loi, plus précisément par le code civil et le code de la santé publique. Il nous semble qu'il n'appartient pas au législateur de définir ce qu'est une indication médicale ou ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, il n'y a pas lieu d'opérer ces enfants en l'absence d'indication médicale.

J'ai demandé à mes services d'améliorer la prise en charge des enfants intersexes ; ils conduisent, à cette fin, une série d'entretiens avec toutes les parties prenantes. Nous devons progresser avant tout sur ces troubles du développement, mieux connaître ces maladies rares en disposant notamment de données sur le nombre d'enfants concernés et sur leur parcours dans le système de santé. Mes services s'y emploient.

Nous devons homogénéiser et renforcer l'accès aux centres de référence des maladies rares du développement génital, qui ont été labellisés en 2017. Ils s'étendent sur quatre sites et disposent d'un réseau de centres de compétences. Je ne sais pas dans quelle mesure ils sont sollicités. Ces structures étant assez récentes, les enfants en souffrance venus témoigner, qui vous ont sollicités, ne bénéficiaient pas de ce parcours encadré et n'ont pas connu ces centres. Nous allons tout mettre en oeuvre pour qu'ils s'y réfèrent systématiquement et pour que leur dossier soit discuté au sein de ces institutions. J'envisage notamment d'instaurer, par arrêté, un recours organisé et systématique de chaque enfant concerné à un centre de référence qui, soit assurerait directement sa prise en charge et son suivi, soit en déterminerait les modalités. Nous avons sollicité l'avis du CCNE avant d'élaborer un projet d'arrêté. Je pense donc que cette question est couverte par la loi en vigueur.

Enfin, monsieur Dharréville vous avez mis en regard les moyens employés et les finalités. Nous affectons les moyens financiers en fonction des choix que nous avons affichés. Nous engageons également des moyens financiers pour renforcer les centres d'AMP.

S'agissant de l'intelligence artificielle, nous aurons des débats intéressants sur les bases de données, en particulier en séance publique.

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