Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mercredi 18 septembre 2019 à 15h00
Accord de coopération entre l'union européenne et l'afghanistan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Mes chers collègues, cet accord porte en lui les failles béantes d'une diplomatie européenne qui, au fond, ne parvient pas à jouer le rôle qui devrait être le sien : un rôle d'impulsion, de médiation, de proposition dans le jeu international.

L'a-t-elle jamais joué ? Je laisse la question ouverte mais vous imaginez la réponse que je lui donne.

L'Afghanistan est devenu le lieu d'influences croisées de pays comme les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Iran ou le Pakistan. L'Union européenne, qui est pourtant le deuxième donateur du pays, brille par son absence à la table des différentes initiatives menées pour la paix.

On aurait espéré un accord ambitieux, porté vers la consolidation d'un État de droit encore rongé par la corruption, et qui fasse la promotion d'une société civile afghane trop peu entendue.

En fait, cet accord témoigne, encore une fois, de la cécité d'une Union européenne qui se berce d'illusions quand elle pense développer un pays en actionnant le levier bien connu du libéralisme économique. Il faudrait comprendre que ce levier abaisse, qu'il n'élève pas.

Alors méfions-nous de la tentation de la ventriloquie : notre diplomatie étant rendue muette par sa passivité, nous voudrions nous satisfaire d'un instrument économique dont la mélodie est aussi douce pour certains qu'elle est amère pour ceux à qui on la joue.

Après l'invasion de 2001, l'Afghanistan est devenu, comme nombre de pays du Sud, un terrain d'expérimentation pour l'accumulation capitaliste néolibérale. Et, à la tragédie de notre intervention militaire dans la coalition, qui a abîmé profondément le pays et a compromis son avenir, il nous faut superposer les conséquences peut-être tout aussi mortifères de notre prédation économique.

En affaiblissant les structures étatiques, en encourageant les privatisations, nous avons contribué à affaiblir un pouvoir avec lequel nous avons aujourd'hui tant de mal à dialoguer.

Ne nous y trompons pas : l'Afghanistan est un pays qui regorge de richesses naturelles. En 2009, l'Institut d'études géologiques des États-Unis estimait la valeur potentielle de ses gisements à quelque 1 000 milliards de dollars : métaux rares, pierres précieuses, gaz, pétrole. Le pays est assis sur un trésor qu'on s'apprête à lui confisquer.

La ritournelle est connue et elle est dans cet accord. Certes, celui-ci n'est pas un accord de libre-échange comme l'accord économique et commercial global, dit CETA, celui passé avec le Mercosur, ou l'accord de libre-échange entre le Japon et l'Union européenne, dit JEFTA.

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