Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du mercredi 18 septembre 2019 à 15h00
Accords avec le tchad et l'angola relatifs aux services aériens — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Je cherche à être entendu du Gouvernement. Or, il ne prend pas note que je mets en question les accords militaires entre la France et le Tchad signés le 4 septembre.

Ces accords renforcent la coopération, essentiellement militaire, entre nos deux pays. En fait, ils renforcent le soutien au président Idriss Déby.

Selon les spécialistes, et je n'en suis pas, le Tchad serait le coin supérieur droit du pré carré français. S'il tombe, alors tout l'édifice s'écroule. Voilà qui explique, sans doute, notre appui sans faille au régime depuis près de trente ans. Chez nous, les présidents passent – Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, et désormais Macron. Là-bas, depuis 1990, le président reste. Et, la même politique se poursuit entre nos deux pays. Il s'agit, dit-on, d'assurer la stabilité de la région. Mais la stabilité de la région se confond, semble-t-il, dans nos esprits, dans ceux des diplomates, avec la stabilité du président.

À de nombreuses reprises, la France est intervenue dans les affaires intérieures tchadiennes, pour, en fait, sauver le président Idriss Déby.

En décembre 1990, Idriss Déby s'empare du pouvoir par un coup de force. L'ancien patron de la direction générale des services extérieurs français – DGSE – reconnaît qu'il a décidé d'éliminer Hissène Habré du pouvoir.

En avril 2006, les rebelles du FUC – Front uni pour le changement – entrent dans N'Djaména mais le régime en place est soutenu par les Français qui tireront sur des membres du FUC.

En février 2008, la guerre civile se poursuit, la rébellion est sur le point de renverser Idriss Déby. À nouveau, le pouvoir est sauvé par une intervention des forces spéciales françaises.

C'est au cours de ces journées – je fais un aparté – que disparaît l'opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh. Il enseignait comme professeur de mathématiques à la faculté d'Orléans. Il avait été plusieurs fois ministre dans son pays. Il était, surtout, le leader de l'opposition démocratique, et non violent. Le 3 février 2008, il y a dix ans maintenant, M. Saleh était enlevé à son domicile par des soldats de la garde présidentielle.

Il s'avère que des conseillers militaires français étaient présents à la présidence tchadienne et, selon plusieurs témoignages, ont été en contact avec M. Saleh après son arrestation. Depuis plus de dix ans, nous sommes sans nouvelles. Son corps n'a jamais été retrouvé. La communauté des mathématiciens de France s'est mobilisée. L'Assemblée nationale s'est mobilisée en adoptant, de manière transpartisane, une résolution demandant que la France fasse la lumière sur cette affaire. Une décennie plus tard, l'obscurité persiste. La justice n'a pas avancé, ni en France, ni au Tchad.

Je termine ma chronologie : à la fin de l'année 2018, Emmanuel Macron passe Noël au Tchad auprès des forces françaises de l'opération Barkhane. Deux mois plus tard, la France bombarde une colonne d'un groupe rebelle, l'Union des forces de résistance, au nord du Tchad. L'opposition éclatée et de nombreuses organisations ont dénoncé cette nouvelle ingérence de la France.

Disons-le franchement, nous appuyons une dictature, la pire dictature du continent d'après The Economist. La situation démocratique au Tchad est catastrophique. Le rapport d'information du groupe d'amitié France-Tchad, publié en avril de cette année, en témoigne clairement.

En 2018, le président Déby a modifié la constitution pour s'assurer douze années supplémentaires au pouvoir, soit jusqu'en 2033. Cette nouvelle constitution supprime également le poste de Premier ministre. Comme le note le rapport, les évêques, l'opposition, la société civile, tous se sont opposés à cette nouvelle constitution. Toujours dans le rapport, il est dit que « la liberté d'expression et l'espace civique semblent entravés par le durcissement des règles relatives aux manifestations et aux associations, ainsi que par la coupure des réseaux sociaux depuis mars 2018 ». Voilà notre allié.

Les élections législatives étaient prévues initialement en 2015 avant d'être annulées. Elles ont ensuite été annoncées pour novembre 2018, mais à nouveau reportées. Elles pourraient avoir lieu à la fin de l'année 2019. Bref, elles sont sans cesse repoussées. Et pourquoi ? Le rapport précité l'explique : « Le président Deby invoque un manque de moyens financiers » pour organiser ce scrutin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.