Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation :

Il s'agit effectivement d'une question de bioéthique dans sa définition première : au motif qu'une chose est techniquement possible, devons-nous pour autant la souhaiter pour notre société ?

Je réfute l'argument selon lequel il faudrait constituer des bases de données issues des tests récréatifs, comme d'autres le font à l'étranger, pour nourrir l'intelligence artificielle. Étant donné la façon dont est effectué le séquençage et la fiabilité des résultats, je vous laisse imaginer ce que pourraient donner les conclusions tirées d'algorithmes auto-apprenants à partir de ces bases de données !

C'est bien la raison pour laquelle nous avons mis en place le plan Médecine France génomique 2025. Doté de 200 millions d'euros, il vise à sécuriser le stockage sur les plateformes de données et à permettre une véritable recherche à partir des données génomiques, en associant évidemment l'ensemble des laboratoires qui pratiquent ces tests génétiques.

L'objet du Health Data Hub, prévu par la loi santé, est de regarder comment on peut choisir d'utiliser ces données et les mettre à la disposition d'une intelligence artificielle, elle-même au service de l'humanité et de son bien-être.

On a longtemps insisté sur l'importance de la génétique pour expliquer un certain nombre de pathologies, à tel point que l'idée a fini par s'installer dans les esprits qu'à un gène correspond une maladie. Il faut bien comprendre que c'est l'exception et que ce sont en réalité des faisceaux d'indications que l'on obtient : dans le meilleur des cas, les personnes qui ont réalisé ces tests récréatifs se voient indiquer, parmi les informations de type pseudo-médical, des probabilités de risques.

Je vous invite à réfléchir à ce que ces demandes, et les résultats qui en découlent, induisent en termes de liberté des personnes. Évidemment, nous n'en sommes pas là, et heureusement, un certain nombre de lois nous protègent, mais il convient de rappeler, alors que ces pratiques se développent, plusieurs choses.

Tout d'abord, ce n'est pas un jeu que de faire de la génétique : il est normal que les tests soient réalisés par des professionnels, à des fins médicales ou de recherche, de façon très encadrée. Il faut par ailleurs se défaire de l'idée du « tout génétique » : la génétique, on le sait aujourd'hui, n'explique pas tout. Enfin, nos concitoyens doivent savoir que même s'ils ne donnent pas leurs coordonnées personnelles en souscrivant à un test génétique, ils consentent, lorsqu'ils cliquent sur « j'accepte » – sans lire les quatorze pages en arial 5 –, à ce que beaucoup d'informations sur leur vie privée soient aspirées.

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