Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse :

Madame la députée Colboc, l'éducation nationale n'est pas inerte face au sujet de la scolarisation des Roms, elle est même depuis longtemps organisée pour cela, ce qui me permettra de répondre par avance à d'autres questions.

Le sujet n'est pas la mobilisation de l'éducation nationale ni même l'existence de compétences au sein de l'éducation nationale, mais la capacité à convaincre les familles, à s'assurer de la stabilité de la scolarisation quand la famille bouge, ce qui renvoie à des problèmes complexes et interministériels, impliquant aussi les collectivités locales.

Parmi les éléments qui valent pour les Roms mais aussi pour d'autres catégories d'enfants éloignés de l'école figure ce que nous avons inscrit dans la loi relative à la protection de l'enfance. L'article 12 prévoit l'inscription d'office par l'inspecteur d'académie, et nous allons maintenant l'appliquer, de même que l'article 16, relatif à la liste des pièces nécessaires à l'inscription. Cela nécessitera un travail réglementaire de précision des modalités, qui sera fait.

Madame la députée Mörch, du travail peut être envisagé entre l'Assemblée nationale et le ministère de l'éducation nationale pour engager de nouvelles initiatives. Je pense notamment à ce qui peut être fait dans le cadre du plan « Internat pour le XXIe siècle ». La meilleure des réponses est parfois l'assentiment des familles. Le sujet juridique est en passe de connaître certaines améliorations, le sujet organisationnel nécessite la prise de nouvelles initiatives. Sur un tel sujet, nous devons nous fixer des objectifs. Il est désolant de constater qu'en dépit de l'important travail effectué dans les vingt dernières années, les résultats ne sont toujours pas à la hauteur.

Mme la députée Tolmont m'a interrogé sur le lycée André Malraux du Mans. Je ne m'exprimerai pas sur ce cas particulier, mais je veux bien le regarder par ailleurs, comme je le ferai pour les autres cas particuliers que vous me soumettez. L'arrivée d'un trente-sixième élève paraît naturellement peu souhaitable. Je regarderai comment cela est géré localement. Vous avez dit que d'autres élèves étaient en situation d'attente. Je ferai la même réponse qu'à la précédente question : aucun élève ne saurait se retrouver sans solution. Les solutions les plus tardives sont généralement pour les redoublants de terminale. Il peut aussi y avoir des effets de saturation dus à des mouvements de population récents, ce qui est fréquent lors de certaines rentrées scolaires. Il faut tout de même saluer le travail exceptionnel accompli par l'éducation nationale puis par les enseignants.

J'en profite pour répondre à la question posée par Mme Duby-Muller. Il faut avoir en tête les grands chiffres de l'éducation nationale. Nous affectons 861 000 enseignants par an sur 4 200 lycées. Vous avez raison de parler des progrès du numérique et d'autres capacités techniques, mais l'éducation nationale réussit chaque année un peu mieux cette mission. Je n'en tire aucune fierté personnelle. J'observe depuis au moins quinze ans la capacité, année après année, à mieux anticiper, à mieux utiliser les outils numériques, voire à travailler à la main de manière très pragmatique. Je le dis à la lumière des inspections d'académie et du rectorat que j'ai visités pendant la dernière semaine d'août. Ce travail de fourmis considérable, invisible pour tout un chacun, se solde par très peu d'incidents. Avec 861 000 enseignants, seuls une dizaine de lycées en France ont des problèmes comme celui que vous avez évoqué, se traduisant par des blocages ou des difficultés réelles. N'oublions pas ce qu'il en était dans les années 1980 et même dans les années 1990 ou 2000. L'amélioration est considérable. Sur ce sujet comme sur d'autres, on pourra toujours trouver des incidents. Ils sont toujours regrettables, mais chacun doit avoir en tête que le système n'a cessé de s'améliorer. Certains d'entre vous l'ont dit, on constate sur chaque territoire une rentrée techniquement réussie, où les affectations ont eu réellement lieu.

Nous allons regarder ce qui se passe au lycée de Cluses. Nous avons vocation à apporter une réponse aux élèves en situation d'attente, mais j'appelle votre attention sur les mouvements de population, les phénomènes de dernière minute non prévisibles qui peuvent créer des effets de saturation, dont certains peuvent interroger.

Madame la députée Bonnivard, les effectifs sont en baisse dans l'académie et dans le département de Savoie. Vous dites que le dédoublement s'est fait au détriment des autres classes. Selon les éléments que j'ai sous les yeux, le taux d'encadrement s'est amélioré en Savoie comme dans tous les départements de France. Je n'ai pas les nombres de postes précis mais nous le regarderons avec attention.

J'entends dire fréquemment qu'on déshabille Pierre pour habiller Paul. Je rappelle le double mouvement qui vaut pour tout département et, a fortiori, pour les départements ruraux. Il y a moins d'élèves à l'école primaire en France et nous créons 2 400 postes en cette rentrée, chiffre comparable aux précédentes rentrées. Nous améliorons donc le taux d'encadrement par un double effet. On pourra toujours trouver une classe à 28 une année et l'année suivante à 29 mais en moyenne, ce n'est pas le cas.

Vous avez cité une classe à 30 en maternelle. Vous avez raison de pointer ce genre de cas qui vont progressivement ne plus exister. Au-delà des REP, conformément à l'engagement du Président de la République, d'ici à la fin du quinquennat, il n'y aura pas plus de 24 élèves par classe dans toute grande section de maternelle, tout CP et tout CE1. Nos efforts de création de postes se concentreront sur les premières années pour améliorer le taux d'encadrement en maternelle, soit pour avoir moins d'élèves, soit pour avoir plus d'intervenants, puisqu'on a une variété d'intervenants.

Concernant le coût des manuels scolaires, je voudrais saluer les régions de France. Pratiquement toutes ont fait un effort, d'une manière différente d'un endroit à l'autre, mais toujours de façon volontariste. Certaines ont opté pour le tout numérique, d'autres ont offert une tablette. C'est le cas de la région Sud où je me suis rendu avec le Premier ministre. On trouve le tout numérique dans la région Grand Est. Presque toutes les régions ont fait une dotation, soit aux familles, soit aux établissements pour l'achat des manuels scolaires. Le coût des manuels scolaires existe indépendamment de la réforme. Des renouvellements étaient nécessaires. Je ne note ni grandes inégalités ni grands trous, mais nous le regarderons dans le bilan consolidé de la rentrée.

En ce qui concerne la question de Mme la députée Lang, beaucoup de ce qui a été dit avant la rentrée peut commencer à faire l'objet de constats post-rentrée. Le premier sujet est le nombre d'élèves choisissant les mathématiques. Je rappelle à ceux qui s'inquiéteraient du statut des mathématiques dans notre pays qu'à mes yeux, celles-ci sortent quantitativement et qualitativement renforcée de la réforme. C'est la seule discipline qu'on trouve aux trois étages du système, dans les blocs communs, dans les enseignements spécialisés et dans les options facultatives en maths expertes et en maths complémentaires. Cela signifie qu'un élève qui veut approfondir les mathématiques fait plus de mathématiques que précédemment, puisqu'au lieu de huit heures en terminale S, il a neuf heures, soit six heures, plus trois heures de maths approfondies. Un élève qui veut en faire beaucoup peut avoir six heures et un élève qui veut en faire un peu peut avoir trois heures avec maths complémentaires. On offre un éventail de possibilités qui épouse bien mieux la diversité des élèves.

Par ailleurs, l'élève qui ne veut pas faire de mathématiques – j'en ai rencontré aussi, il faut avoir l'honnêteté de le dire, d'autant que cela existait avant – en fera tout de même un peu mais sur un mode innovant, qui était proposé dans le rapport Villani-Torossian, c'est-à-dire par les enseignements scientifiques ; c'est pour cela que nous ne voyions pas comme un problème que des professeurs de SVT ou de physique-chimie puissent, comme les professeurs de mathématiques, intervenir dans cet enseignement. Ainsi, les mathématiques sont renforcées au travers du contenu des enseignements. Il y a plus de mathématiques dans le programme de physique-chimie, plus de mathématiques dans le programme de sciences de la vie et de la terre et en sciences économiques et sociales, puisqu'il y a plus de microéconomie.

Tout ceci forme un paysage « mathématiques » plus diversifié, permettant plus de personnalisation avec des élèves plus heureux. C'est aussi une manière de mieux utiliser notre ressource enseignante. La répartition du nombre d'heures de professeurs de mathématiques disponibles dans les différentes catégories d'élèves sera améliorée. Un élève qui s'ennuie en fond de classe parce qu'il a choisi « S » par conformisme, c'est de l'heure gaspillée pour l'élève et pour le professeur, alors que cette meilleure répartition permettra de mieux utiliser la ressource rare qui est celle des professeurs de mathématiques. Il n'y a aucune volonté de diminution du nombre total d'heures de mathématiques délivrées en France, au contraire. Cela nous renvoie aux enjeux de moyen et long terme de recrutement de plus de professeurs de mathématiques, notamment au travers du pré-recrutement qui est aussi une des réalités de cette rentrée.

Bien entendu, sur ce sujet comme sur d'autres, nous ferons des bilans intermédiaires. Je ne doute pas qu'avec les associations disciplinaires et qu'au travers de l'inspection générale, nous aurons aussi une vision par discipline.

Je saisis l'occasion pour dire que la fusion annoncée des inspections générales de l'éducation nationale (IGEN), de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), des bibliothèques (IGB) et de la jeunesse et des sports (IGJS) a été réalisée à cette rentrée. À partir des quatre, nous avons créé l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), décision historique puisque ces institutions étaient anciennes. Cette nouvelle inspection générale sera beaucoup plus importante, bien plus pluridisciplinaire et induira des effets de coopération et de transformation de la mission même d'inspection sur le terrain, notamment à l'échelle des académies. Cette évolution est à relier avec ce qui est prévu au titre de l'agence de l'évaluation.

J'ai répondu par avance à l'une des questions posées par Mme la députée Duby-Muller. Concernant le coût de la vie en Haute-Savoie et, de façon générale, les mesures en matière de logement, j'ai souhaité pointer ces problèmes concrets. J'ai cité la Haute-Savoie parce que j'ai eu l'occasion d'y aller, et vous y étiez. Ce n'est pas un exemple unique, ce peut être le cas dans les zones frontalières, même si l'Île-de-France attire le plus l'attention. Oui, il faut avoir la focale que vous indiquez, qui nous renvoie au fait que le travail que nous allons faire avec les organisations syndicales dans le cadre du dialogue social porte non seulement sur la rémunération mais aussi sur le bien-être matériel et immatériel des professeurs et du personnel de l'éducation nationale, de manière ultra-concrète.

Cela fait partie des sujets extrêmement intéressants qui seront sur la table au cours des prochains mois et au traitement desquels la représentation nationale a vocation à être associée. L'objectif est d'avoir une vision personnalisée. Je pense en particulier aux professeurs débutants dans les régions où le logement est cher et où nous devons faire un effort social. Nous en parlons avec Julien Denormandie et avec Olivier Dussopt afin que des quotas de logements pour fonctionnaires puissent bénéficier à de jeunes professeurs des écoles, en vue de prévoir des constructions futures et d'y travailler avec les collectivités locales. L'approche pragmatique de la question du logement est indispensable.

Madame la députée Rilhac, merci d'avoir rendu hommage à ceux qui ont fait de cette rentrée une réussite, c'est-à-dire le million de personnes qui travaillent à l'éducation nationale, non seulement les personnels enseignants mais aussi les personnels dits parfois non-enseignants, terme que j'utilise peu, car on doit définir les personnes par le métier qu'ils exercent. Je voudrais aussi appuyer l'hommage que j'ai rendu tout à l'heure à ceux qui préparent la rentrée dès l'amont.

Vous êtes intervenue sur les directeurs d'école, sujet que vous avez déjà largement étudié au travers d'un rapport. Votre travail, ainsi que celui des autres députés intéressés, va nous aider à avancer sur cette question, là encore dans le cadre du dialogue social. Je ne m'exprimerai pas davantage sur ce point, parce que ce dialogue doit nous permettre d'avancer. Nous avons à l'esprit les grands paramètres : comment mieux reconnaître la fonction de directeur d'école ? Comment créer des conditions de vie quotidienne permettant un exercice réussi de cette fonction, non seulement au service des personnes concernées mais aussi au service des élèves pour que l'école primaire réussisse ? Les débats de tous ordres que nous avons eus au cours des derniers mois à ce sujet doivent maintenant nous servir à avancer. Nous ne serons pas dans l'immobilisme sur cette question.

Monsieur le député Testé, le dédoublement de grandes sections de maternelle vise surtout la rentrée 2020. De premières mesures peuvent intervenir en 2019 mais il conviendra peut-être de compléter ce qui aura été fait en 2020 et 2021. Cette mesure porte donc sur trois rentrées mais surtout sur la rentrée 2020. Néanmoins, en fonction des caractéristiques de différents territoires, nous avons souhaité le faire déjà dans quelques endroits. Plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs dit l'avoir constaté dans leurs départements. Nous ferons un bilan consolidé après la rentrée. Un des cas majeurs est celui de l'académie de Créteil avec les 60 classes dédoublées dans le Val-de-Marne, tandis que 30 l'ont été en Seine-Saint-Denis. Nous en observerons les résultats. Nous savons qu'il existe un enjeu de vocabulaire en grande section en vue de la réussite en école élémentaire.

Vous avez insisté sur la Seine-Saint-Denis, où j'étais récemment et pour laquelle nous nous exprimerons prochainement dans une vision systémique des enjeux. Vous avez indiqué que tous les dédoublements n'avaient pas été parachevés en CE1. En cette rentrée 2019, nous réalisons mille dédoublements rien qu'en Seine-Saint-Denis pour les CP et CE1 en REP et REP +. Seuls 50 dédoublements n'ont pas été possibles, comme vous l'avez dit, pour des raisons de locaux indépendantes de notre volonté mais sur lesquelles nous travaillons en appui des collectivités. Nous avons d'ailleurs mis des maîtres supplémentaires, y compris dans les endroits où les locaux n'étaient pas dédoublés, en sorte qu'il y en a tout de même deux pour 24 élèves, et la situation a vocation à être résorbée. J'ai lu sous la plume de personnes qui cherchent à systématiquement critiquer que la mesure ne serait pas complète. Certes, mais pour seulement 5 %, et on ne peut pas dire que la Seine-Saint-Denis soit défavorisée par cette mesure puisque c'est le département de France qui en bénéficie le plus. Nous parachèverons le dispositif à la rentrée prochaine. De telles mesures sont aussi possibles en grandes sections. Les 30 dédoublements de grandes sections en Seine-Saint-Denis montrent bien que ce n'est pas une question de moyens mis en oeuvre par l'éducation nationale mais une question de circonstances concrètes locales. Nous serons naturellement très attentifs à ces réussites en Seine-Saint-Denis.

Madame la députée Bazin-Malgras, merci pour ce que vous avez dit en commençant. Vous avez souligné l'importance du dispositif « Devoirs faits ». Comme pour le point précédent, les critiques les plus intéressantes sont celles reprochant de n'être pas allé assez loin dans la mesure décidée. Vous avez raison d'en regretter l'hétérogénéité et 2019-2020 sera une année de nécessaire progrès. Comme vous l'avez dit, c'est plus une question de circonstances locales que de mise en oeuvre de moyens. Rien n'est prévu pour forcer qui que ce soit, mais j'ai vu, dans beaucoup de collèges, des professeurs enthousiastes. On peut aussi voir quelques professeurs à la tête d'une équipe qui ne soit pas uniquement composée de professeurs, l'essentiel étant que la responsabilité pédagogique de « Devoirs faits » incombe à un professeur. L'intégration dans l'emploi du temps n'est pas nécessairement un élément négatif. En milieu rural, cela permet de tenir compte des impératifs de transport scolaire. S'agissant des enjeux de personnels, cela peut être dans le service d'un professeur, a fortiori avec les deux heures supplémentaires que peut décider le principal. Il est évidemment souhaitable que cela intervienne dans le cadre d'un dialogue avec chaque professeur. Nous veillerons cette année à une plus grande homogénéité du dispositif qui donne grande satisfaction là où il est bien fait.

Madame la députée Granjus, vous le savez, nous avons fait de la lutte contre le harcèlement une grande priorité nationale. Mme Macron s'est investie personnellement, ce qui est un élément très positif, parce que c'est un sujet pour lequel nous avons besoin d'incarnation, d'effet d'entraînement et d'effet psychologique sur l'ensemble de la population. Nous en avons même fait un sujet international puisque nous l'avons mis au coeur du G7 de l'éducation qui s'est tenu début juillet et auquel Mme Macron a d'ailleurs participé. Le sujet a également été évoqué à l'occasion du G7, fin août. Ce thème a connu une montée en puissance considérable. Le cyberharcèlement est un phénomène international qui nous renvoie aux réseaux sociaux qui ont des bases internationales. Nous avons ainsi fait monter le statut du problème. Dans le premier semestre de l'année 2020, nous organiserons avec l'Unesco un événement pour créer l'alliance internationale contre le harcèlement, notamment pour faire pression sur les GAFA et sur l'ensemble des acteurs cyber.

Au cours de cette année, il devrait y avoir un ambassadeur contre le harcèlement dans chaque établissement. Nous vérifierons que c'est parfaitement le cas. Le harcèlement fera partie des sujets au coeur des critères de vie scolaire réussie pour l'ensemble des établissements de France. Comme je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi, le sujet nous renvoie aux effets directs et indirects de la création d'une agence de l'évaluation. Pour le dire clairement, à partir du moment où nous considérons le climat scolaire comme un élément d'évaluation – et, à l'intérieur du climat scolaire, la lutte contre le harcèlement, l'existence d'un ambassadeur, la mise en oeuvre effective des différentes mesures que nous avons énoncées lors de la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école –, nous allons créer des réflexes à l'intérieur de l'établissement. Par la formation continue des professeurs et de l'ensemble des personnels, par des actions de sensibilisation des élèves, par la création des ambassadeurs, par des animations et des outils pédagogiques, le harcèlement sera au coeur des enjeux d'autoévaluation et de sensibilisation des élèves. C'est un sujet grave que nous prenons à bras-le-corps, pour lequel nous avons accru le partenariat associatif et la cohérence des actions, puisqu'en luttant contre l'homophobie, on lutte contre le harcèlement. Les sujets ne doivent pas être juxtaposés mais considérés au titre du bon climat scolaire, des valeurs de la République et du respect d'autrui. Cette vision d'ensemble progresse à cette rentrée au travers de différentes mesures, dont la nomination effective d'un ambassadeur contre le harcèlement.

Monsieur le député Pierre Henriet, l'éducation prioritaire est un sujet important. Le rapport Azéma-Mathiot devrait m'être remis au cours du mois de septembre, ce qui n'est pas une fin mais un début. Là encore, nous discuterons avec les organisations syndicales de ce qu'il conviendra de faire pour la rentrée 2020 à partir de ce rapport. Notre objectif est d'en finir avec certains problèmes que vous avez évoqués, comme les effets de seuil ou les inégalités entre écoles liées au fait qu'une école socialement défavorisée ne figure pas dans le classement. Il n'y a pas de solution miracle mais nous voulons être pragmatiques. Il faut responsabiliser tout le monde et parler longuement avec les organisations syndicales. Nous devons mieux cibler les élèves qui en ont besoin, c'est-à-dire avoir une vision de l'éducation prioritaire qui soit non seulement territorialement fine, mais aussi le plus possible individuelle, parce qu'on peut aussi rencontrer des difficultés de rééquilibrage social dans un territoire non totalement défavorisé. À ce stade, je ne peux en dire plus.

Monsieur le député Cinieri, vous me demandez si l'on s'oriente vers une harmonisation des règles des MDPH. Vous pointez un sujet structurel, puisqu'en cette rentrée, nous avons voulu adopter une nouvelle logique de l'école inclusive de nature à créer plus de cohérence dans l'action de l'éducation nationale et plus de coopération avec et entre les différents acteurs. Je l'ai illustré à plusieurs reprises dans mon propos en évoquant la coopération avec le monde socio-médical, mais c'est vrai aussi pour le département, dans notre capacité à raisonner ensemble sur la nature des prescriptions et la façon dont l'éducation nationale les suit. L'harmonisation des règles procède d'un pragmatisme à l'échelle départementale.

Dans le Val-d'Oise, en présence de certains députés, lors d'une table ronde où le département était représenté, nous avons examiné récemment comment améliorer la fluidité, la rapidité des décisions prises par la MDPH, puis leur mise en oeuvre. Je suis persuadé que nous pouvons obtenir d'autres améliorations structurelles. Je le disais tout à l'heure pour résumer la situation à cette rentrée, si, avant, l'élève attendait la décision, un accompagnant l'attend désormais à l'école, dans la logique du PIAL. Cela favorisera une coopération pragmatique entre le département, la MDPH et l'éducation nationale. D'évidence, il faut aller dans le sens de l'harmonisation.

La question de M. le député Freschi sur les conventions de ruralité et, de façon générale, l'impact des politiques d'éducation prioritaire sur la ruralité, complète la question de M. le député Henriet. Nous souhaitons que les conventions de ruralité permettent de regarder en face le sujet de la pauvreté rurale et d'affirmer le volontarisme de notre action pour lutter contre les inégalités sociales en milieu rural. Il y aura très prochainement une mission sur ce sujet au sein de l'éducation nationale, dans une vision englobant le scolaire, le périscolaire, comme le plan mercredi et les internats, et la promotion sociale en milieu rural. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, mais il convient de mesurer que l'amélioration des conventions de ruralité, à laquelle vous avez fait référence, doit être qualitative et s'inscrire dans une logique non pas défensive mais offensive de la ruralité, considérant d'un seul tenant la lutte contre les inégalités sociales et l'aménagement du territoire. En redynamisant une école pour attirer plus de familles, on contribue à la mixité sociale et on exerce un impact social direct et indirect. Dans chaque département, la convention de ruralité doit tendre à élaborer une stratégie en ce sens et à articuler les problèmes entre eux. Nous continuons à signer des conventions de ruralité et à les discuter. Je le répète, avec la non-fermeture des classes et cette dynamique, nous sommes avec les maires et avec les populations.

Madame la députée Sandrine Mörch, je vous ai un peu répondu par avance. Sur ce sujet aussi, nous devons avoir une vision pragmatique, parce que les problèmes diffèrent selon les populations. Les mineurs non accompagnés (MNA) sont un sujet spécifique, qui ne porte pas uniquement sur la scolarisation. Il nous renvoie à notre capacité de personnaliser des propositions de formation. Il y a de belles réussites et vous en avez cité une. Dans l'enseignement professionnel, il faut être capable de conduire à une certification et à des métiers qui sont d'ailleurs en tension. Il faut aussi résoudre le problème en lui-même, qui n'est pas l'objet de notre réunion aujourd'hui. Nous devons faire face quantitativement à des problèmes importants et qualitativement au fait que des personnes notoirement majeures essaient d'entrer dans la catégorie « mineurs ». Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis très ouvert, nous pourrons en reparler prochainement et développer le travail entre l'Assemblée nationale et mon ministère afin que le droit à la scolarisation soit pleinement respecté.

Concernant l'école du socle, Monsieur le député Bouyx, des actions importantes, souvent pédagogiques, existent parfois depuis longtemps, pour assurer une plus grande fluidité entre le CM2 et la sixième. Des expérimentations doivent être confortées et des propositions d'expérimentations peuvent être proposées. Nous avons vu dans les derniers mois que c'est un sujet sensible, car derrière l'école du socle, il y a une intention pédagogique et une intention sociale très fortes, mais je souhaite qu'il n'y ait aucun malentendu sur le fait qu'il n'y en a pas d'autre. Le consensus des acteurs localement est nécessaire pour avancer sur ce sujet et je suis persuadé qu'il se produira. Dès qu'on se met autour de la table sur la question, on en voit l'intérêt, mais il n'y aura pas de décision verticale. Il y aura de l'horizontalité au service du socle dans les temps qui viennent.

La question de M. Le député Kerlogot sur les critères de l'éducation prioritaire renvoie au sujet du rapport Azéma-Mathiot. Je peux difficilement m'exprimer davantage. Nous ferons évoluer un certain nombre de critères pour être le plus pragmatique possible et pour qu'il y ait le moins possible de situations de marge.

Un autre sujet relevant de la logique de l'éducation prioritaire est dans l'actualité de cette rentrée. Avec Julien Denormandie, nous avons annoncé la création de 80 cités éducatives dont tout un chacun peut voir la liste : il s'agit de magnifiques champs de progrès dans lesquels vous pouvez vous impliquer localement. Un projet éducatif s'élabore avec l'ensemble des élus et des parties prenantes, avec beaucoup de souplesse et de pragmatisme, pour agir sur les facteurs sociaux ou autres localement pertinents. Des moyens importants sont consacrés à cette politique par le ministère de la cohésion des territoires et le ministère de l'éducation nationale. Sans attendre l'évolution des règles du jeu pour la rentrée 2020, chacun doit se saisir des moyens disponibles.

N'oublions pas que le dédoublement des classes de CP et de CE1 est la mesure majeure de l'éducation prioritaire. Il ne faut pas juxtaposer les actions mais les considérer globalement. À mes yeux, cela vient résoudre un problème qui existait depuis longtemps. En matière d'éducation prioritaire, on était bien moins dynamique pour l'école primaire que pour le collège. Au fil du temps, la coordination s'est améliorée entre l'école et le collège, davantage de travail social est accompli et il y a un nouvel élan. Le dédoublement des grandes sections de maternelle, de CP et de CE1 est l'arrière-plan de cette dynamique porteuse d'espoir. Il doit s'accompagner de notre bonne manière d'utiliser les moyens des cités éducatives, quand elles existent, lesquelles ont un côté inspirant et peuvent exercer des effets de halo. Lorsque j'étais à Clichy avec Julien Denormandie, la semaine dernière, où il y a une cité éducative, le maire de Gagny a déclaré magnifiquement : « Je n'ai pas de cité éducative mais je suis content que Clichy en ait une, parce que c'est inspirant, parce qu'il y a des effets de halo et parce que nous allons travailler pour faire la même chose et mobiliser des moyens divers et variés au service du même genre d'idées ». Cela fait aussi partie de l'élan pour l'éducation prioritaire que nous devons avoir. Le sujet est évidemment budgétaire mais, comme d'habitude, le plus important, ce sont les logiques d'équipe et de coordination des acteurs.

Madame la députée Victory, merci pour vos propos. Concernant la co-intervention, j'ai conscience de ne vous avoir convaincue qu'en partie. Vous avez fait référence aux compétences fondamentales et aux enseignements généraux. Il y a d'abord le rattrapage des compétences de base pour les élèves, qui peut aussi relever de l'accompagnement personnalisé et d'une politique ciblée qui ne relève traditionnellement pas du programme d'enseignement professionnel. Quand un élève rencontre des difficultés pour lire ou pour écrire, même les anciens programmes de l'enseignement professionnel avec beaucoup d'heures ne le prévoyaient pas. Les établissements doivent donc réaliser des actions ad hoc très ciblées. Ils sont aidés pour cela dans le cadre de l'accompagnement personnalisé. Il y a ensuite la culture générale, au sens large. La co-intervention apportera beaucoup mais j'ai clairement indiqué aux recteurs et lors de nos réunions avec les responsables du ministère de la culture que l'enseignement professionnel devait être la cible privilégiée des nouvelles dynamiques de l'éducation artistique et culturelle. En clair, au-delà des heures de cours, il convient de considérer tous les projets à l'intérieur et autour de l'établissement pour la culture, dans l'enseignement professionnel. J'y crois beaucoup. Vous avez cité à juste titre la musique.

Monsieur Juanico, le savoir rouler et le savoir-nager sont des enjeux très importants. Nous sommes attentifs à éviter les juxtapositions d'actions plus légitimes les unes que les autres qui finissent par engorger le travail de l'éducation nationale.

La création d'une attestation permettra de faire d'une pierre plusieurs coups, puisque l'enjeu est à la fois l'apprentissage du vélo et la connaissance du code de la route. Sur le caractère facultatif ou obligatoire du dispositif, la décision n'est pas tranchée, mais j'entends votre argumentaire. On peut souvent faire plus et mieux dans le cadre du périscolaire pour des objectifs qu'on se fixe dans le cadre scolaire. La présence du vélo dans le plan mercredi peut être un point fort. La capacité à donner des attestations dans le cadre périscolaire peut-être intéressante.

Quant au savoir-nager, des éléments ne sont pas tranchés non plus. Nous en parlons avec Roxana Maracineanu, en vue du lancement d'un plan « aisance aquatique » à destination des petites, moyennes et grandes sections de l'école maternelle, peut-être dans le cadre de coopérations avec des associations agréées, en vue d'assurer la fréquentation de piscines sur le temps scolaire à l'école maternelle. Il est trop tôt pour en dire davantage mais c'est une tendance que nous allons suivre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.