Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur :

Nous avons effectivement travaillé avec bonne intelligence et en essayant, au delà de ce que pouvaient être nos désaccords – madame la présidente vient d'en exprimer certains –, de poser aussi des jalons qui nous permettent d'ouvrir des pistes pour lutter contre l'évasion fiscale. Je remercie Jean-Paul Mattei du travail que nous avons fait ensemble.

Tout à l'heure, le président Woerth citait le nombre de personnes qui avaient été auditionnées. Les responsables de Total et Carrefour nous ont expliqué lors de leur audition comment ils pratiquent, au sein de l'entreprise, par un mécanisme interne, une sorte d'impôt différencié universel. Ainsi, pour ceux de leurs salariés qui partent à l'étranger, le fait qu'ils soient envoyés dans un pays à fiscalité privilégiée est sans incidence sur leur rémunération après impôt. Cela se pratique également dans d'autres grandes entreprises françaises.

Cela a été dit, la France insoumise n'est pas seule à porter la question de l'impôt universel. Cet impôt présente un intérêt pour deux raisons majeures, qui sont d'ailleurs les raisons pour lesquelles les États-Unis d'Amérique le pratiquent. La première est la nécessité de renforcer le lien, l'attachement national à une défense du civisme fiscal, qui va de pair avec la citoyenneté. Nous avons par exemple des députés qui représentent les Français de l'étranger. Ces députés votent le budget, alors même qu'une partie de leurs électeurs ne payent pas d'impôts en France, ce qui montre la rupture entre citoyenneté et fiscalité dans un pays qui a assis sa fiscalité sur la résidence fiscale et non pas, comme les États-Unis, sur la citoyenneté. La seconde raison est le contexte de mondialisation financière, de persistance des paradis fiscaux et de concurrence fiscale qui fait que le départ à l'étranger peut être synonyme d'optimisation fiscale.

Nous avons étudié le cas États-Unis et vu qu'il était difficile d'apprécier ce qui relève du rendement de l'impôt et ce qui relève d'un volet préventif. Mais, manifestement, c'est un système qui leur convient.

Avec Jean-Paul Mattei, nous avons souhaité faire des propositions communes. Nous n'avons pas souhaité terminer sur un échec. Il nous a semblé que nous partagions suffisamment de choses pour pouvoir formuler ensemble des propositions.

Il y a des difficultés objectives, qui ne me semblent pas définitivement obérer un système d'impôt universel mais qui sont à prendre en compte. La principale, c'est – comme madame la présidente l'a souligné – que nous n'avons pas la puissance des États-Unis. L'obligation de renégocier l'ensemble des accords bilatéraux démontre la difficulté que représente le passage un impôt universel. Pour autant, nous n'avons pas abandonné totalement l'idée d'un impôt universel ou, en tout cas, d'un impôt basé sur la nationalité. Nous proposons un impôt universel ciblé, que l'on pourrait aussi dénommer impôt différentiel. Selon la fiscalité du pays d'expatriation, il pourrait être institué un impôt auquel seraient assujettis, pendant un certain nombre d'années, les ressortissants français partant dans ce pays. Cet impôt serait à la fois ciblé sur la durée et ciblé selon la nature des pays d'expatriation. L'exil fiscal n'est pas motivé par l'impôt sur les revenus d'activité mais par l'impôt sur les revenus du patrimoine, ou celui sur les transmissions, et c'est la raison pour laquelle nous proposons que l'impôt différencié frappe certains types de revenus.

Si nous regardons la question de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le nombre d'assujettis partant à l'étranger est faible, 0,14 % en 2016, mais ceux qui décident de le faire sont souvent parmi les plus riches. On observe ainsi que la France a perdu 4 578 assujettis à l'ISF représentant un actif net imposable de 23,8 milliards d'euros entre 2007 et 2016. Nous ne touchons pas seulement à des questions de principe, mais à des revenus qui manquent à l'État.

Il y a plusieurs pays européens qui pratiquent déjà un impôt différencié à des échelles plus ou moins importantes : l'Allemagne, la Finlande, la Suède, l'Italie. C'est une piste que nous avons mise dans notre rapport.

La deuxième piste, c'est un retour à l'exit tax originelle, comme vous en parlera Jean-Paul Mattéi.

Enfin, il faut engager un programme de renégociation ciblée des conventions fiscales avec les pays dits à fiscalité privilégiée.

Nous proposons également deux autres mesures à plus long terme. La première serait une contribution républicaine pour le citoyen français dont la résidence fiscale est située dans un pays étranger et dont les revenus excèdent 200 000 euros. Cette taxe pourrait être modulable en fonction du pays de destination, selon qu'il s'agit ou non d'un pays à fiscalité privilégiée. La seconde serait le recours à des formes de prêts à remboursement contingent, au delà d'un certain seuil de revenus, par exemple de 100 000 euros.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.