Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Présentation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Si la famille est un point de repère, elle est d'abord et avant tout une histoire et un parcours, qu'il importe à chacun de connaître et de comprendre. L'État n'a pas pour rôle d'organiser les secrets de famille en établissant les modes de filiation. Qui peut soutenir que les non-dits familiaux ont été, sont et seront un gage de paix et de sérénité ? Le sens de l'histoire est de rendre à l'enfant ses droits. Tel est l'enjeu de l'accès aux origines, que nous devons aux enfants issus d'une PMA avec tiers donneur.

Connaître ses origines, c'est trouver la réponse à une question légitime – peut-être même la plus légitime qu'un être humain puisse se poser : « D'où est-ce que je viens ? » Notre conviction est qu'il faut sortir de la dissimulation, rompre avec une logique du secret qui abîme bien plus qu'elle ne protège. Même si cela n'est pas toujours simple, la famille est désormais un lieu où l'on peut, où l'on doit même, se dire les choses.

Nous savons que l'anonymat du donneur a bien souvent pour corollaire le silence des parents et les questions sans réponse de l'enfant. Permettre à l'enfant d'accéder, à sa majorité, à des informations relatives au donneur, c'est l'autoriser non pas à traquer un individu ni à ouvrir un conflit, mais bien au contraire à se construire comme individu, à pacifier la relation qu'il entretient avec son histoire et donc avec lui-même.

L'identité est avant tout un récit, une narration, une histoire que l'on raconte aux autres et que l'on murmure à soi-même. Cette histoire a toujours une genèse, à laquelle on ne peut arracher ceux qui la vivent et l'écrivent.

Un donneur n'est pas un parent. Ce n'est pas sa vocation, ce n'est pas le sens de son geste, mais il est une pièce de son identité que l'on ne peut dérober à l'enfant, il est un chaînon, un élément qui ne doit pas manquer à l'appel d'une existence. Donner accès aux origines, comme le propose cette loi, permettra de faire sortir le don du secret et de reconnaître ce qu'il a de profondément humain, altruiste et solidaire. En faisant cela, nous n'affirmerons qu'une seule chose : la force des institutions qui encadrent et protègent chacun. Nous ne ferons qu'un seul choix : celui de la responsabilité, individuelle et collective.

La force des institutions et l'esprit de responsabilité devront aussi guider les choix que nous ferons dans des domaines aussi complexes que variés. Je pense à l'autoconservation de gamètes, pour les femmes comme pour les hommes, ou encore à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques pour les dons d'organes ou les missions des conseillers en génétique. Je pense enfin au développement, dans le respect de nos valeurs éthiques, de la médecine génomique dans le cadre de soins comme dans celui de projets de recherche.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous ai dit il y a quelques instants que le projet de loi relatif à la bioéthique était une chance, et même un privilège, pour notre pays. J'en suis d'autant plus convaincue que des droits arrachés de haute lutte au XXe siècle sont aujourd'hui menacés et bafoués dans des pays où ils semblaient définitivement acquis. J'en suis d'autant plus convaincue que des marchés se développent de manière massive et anarchique dans des domaines qui touchent au vivant. Sur ces questions, comme sur tant d'autres, la France est regardée. La voix de la France est écoutée.

Et je le dis à tous ceux qui se complaisent dans un certain confort mélancolique d'une grandeur supposée perdue : la France n'en a pas fini avec la vocation universelle qu'elle porte depuis deux siècles et trois décennies. Ce sont cette recherche d'équilibre et ce projet collectif qui nous réunissent aujourd'hui.

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