Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

J'ai rédigé ce discours – avec tous ceux qui ont participé à l'exercice – une dizaine de fois, sans qu'aucune version ne me satisfasse. Nous pourrions parler longuement du magnifique projet de loi qui nous est soumis par les trois ministres, qui a déjà fait l'objet d'un travail important de la commission spéciale et qui est l'objet de toute l'attention de la société civile, car il concerne chacun de nos concitoyens. Permettez-moi donc quelques erreurs : je vais m'échapper des discours et vous parler en sincérité.

Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, le contenu de ce texte soulève des questions relevant du for intérieur, de l'intime conviction de chacun. Nous devons notamment nous interroger sur les garde-fous à apporter, tout en proposant aussi le progrès accessible et favorable à nos concitoyens.

Les articles 3 et 4 du projet de loi, dont la responsabilité m'a été confiée, proposent deux grandes et belles avancées sociétales : d'une part, la consécration du droit d'accès aux origines personnelles pour les enfants issus d'une AMP avec tiers donneur ; d'autre part, les conséquences à tirer en matière de filiation de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Deux grandes responsabilités ! Nous ne sommes pas le premier législateur à qui la question du droit d'accès aux origines personnelles est posée. Dans le cadre de la révision régulière des lois de bioéthique, la question avait été soumise au législateur en 2011. Le Sénat s'était prononcé de manière favorable, mais c'est l'Assemblée nationale qui avait préféré reculer en la matière. Nous n'étions sans doute pas prêts à l'époque ; la société ne l'était sans doute pas elle-même non plus. Ce droit n'avait donc pas été consacré.

Les auditions menées par la commission à l'issue de nombreux travaux, notamment les états généraux de la bioéthique organisés par le Comité consultatif national d'éthique, montrent que tous les enfants issus d'une AMP et désormais majeurs sont formels : ils ont besoin de répondre à la question « D'où je viens ? ». Ils ne remettent pas en question l'identité des personnes avec qui ils ont cheminé, ou qui ont choisi de leur donner la vie. Ils ont simplement besoin de savoir d'où ils viennent. Il est de notre devoir de leur apporter une partie de la réponse. Je salue les avancées de ce texte et vous remercie de celles que vous avez coconstruites en commission avec nous. Elles permettront de répondre aussi aux questions des enfants concernés par ce texte avant sa promulgation, ceux qui sont aujourd'hui majeurs, afin que l'on n'en reste pas à la manifestation volontaire du donneur. C'est donc à tous que des réponses pourront être apportées. Ces enfants aujourd'hui majeurs ont peut-être eux-mêmes des enfants qui s'interrogent.

En consacrant ce droit d'accès aux origines, il me semble que nous avons enfin mis un terme – cela pourra être confirmé dans cet hémicycle – à une confusion entre filiation et origine. Cette confusion avait été quasiment organisée par le législateur de 1994, puisque l'article 311-20 du code civil, consacré à la filiation des enfants nés d'une PMA au sein de couples hétérosexuels, prévoyait le recueil du consentement de ces derniers par un notaire « dans des conditions garantissant le secret ».

Cela aussi, nous l'avons supprimé en commission. Nous avons ainsi affirmé notre volonté de ne pas organiser les secrets de famille et de respecter la relation entre parent et enfant de sorte que le mode de conception puisse être révélé aux enfants et que ceux-ci puissent, à leur majorité, obtenir des informations à son sujet.

Ainsi débarrassés, si l'on peut dire, de la confusion, de l'amalgame entre origine et filiation, nous pouvons nous consacrer à cette dernière. À ce propos, je vous remercie, madame la garde des sceaux, d'avoir présenté le dispositif que nous avons coconstruit et qui, en commission, a été défendu à la fois par la rapporteure, par vous-même et par l'ensemble des membres de mon groupe qui ont activement participé à nos travaux. Ce point a occupé une partie très importante de nos auditions et des soirées qui les ont suivies, passées à discuter des enjeux.

C'est une nouveauté, bien sûr : c'est un changement culturel que de décider qu'un enfant aura deux mères et que les deux figureront sur son état civil. Et c'est une grande avancée que de ne pas inscrire une mention différenciée dans l'état civil, de placer les deux mères à égalité : merci ! Nous savons, en effet, la terrible iniquité qui régnait entre deux femmes ayant eu recours à une PMA à l'étranger et dont l'une s'opposait à l'adoption de l'enfant par l'autre. Cette situation était injuste ; nous comprenons le besoin d'égalité.

Quelques questions demeurent – nous avons commencé d'en discuter – concernant la sécurité juridique que nous apportons au mécanisme ou les couples de femmes qui ne pourront pas bénéficier du dispositif dans son état actuel ; j'ai déposé des amendements sur ces sujets et je ne doute pas que nous aurons à leur propos de belles discussions, qui permettront probablement des avancées.

J'ai également lu les amendements issus des autres groupes que le mien ; je vois que le sujet inspire tout le monde et que vous avez donc également, mes chers collègues, des propositions à nous faire, dont nous discuterons en bonne intelligence comme nous l'avons fait en commission.

J'espère qu'à l'issue de nos débats dans l'hémicycle nous aurons ainsi pu répondre, en toute sincérité, à l'ensemble des familles qui nous regardent et des personnes qui fonderont plus tard une famille en ayant recours à ce dispositif. J'espère que nous aurons la prudence de ne pas adopter des postures politiques, tous autant que nous sommes, et que nous prendrons nos décisions non par amitié ou par inimitié, mais par conviction, une conviction issue de notre for intérieur et qui fasse ainsi sens pour la société. J'ai retrouvé un vieil adage romain…

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