Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Le projet de loi dont nous commençons aujourd'hui l'examen en séance publique devrait nous conduire à des débats riches et respectueux, à l'image de ce qu'ils ont été en commission. En effet, sur les différents thèmes qui seront abordés, chaque député ici présent peut avoir sa propre lecture des enjeux sociétaux soulevés par ce texte, mais nul ne saurait se croire dépositaire d'une vérité absolue.

Ainsi, à la suite des états généraux de la bioéthique, de nos divers lectures et échanges sur ces sujets, des séminaires proposés par le Gouvernement, des nombreuses auditions, du travail de la commission et des différentes questions soulevées au fur et à mesure de nos débats, nous avons été confortés dans nos opinions sur certains sujets, nous avons révisé nos points de vue sur d'autres et nous avons aussi pu appréhender des questions particulières qui ne nous avaient pas semblé de nature à soulever de grands débats à la lecture du projet de loi.

Concernant le titre Ier, visant à élargir l'accès aux technologies disponibles en matière de procréation, nous saluons un réel travail de coconstruction entre le Gouvernement et les députés. Le projet de loi qui nous a été soumis apportait en effet des réponses peu satisfaisantes sur de nombreux sujets, et les questions soulevées par les députés ont permis aux rapporteurs de travailler avec le Gouvernement à l'élaboration de propositions plus cohérentes et plus intelligibles.

Ainsi, concernant l'extension de l'AMP à toutes les femmes, la crainte d'une pénurie de gamètes s'est exprimée, d'autant que la levée de l'anonymat à la majorité des enfants nés de dons peut dissuader, au moins temporairement, les donneurs. Sur ce point, le calendrier de mise en oeuvre communiqué en audition par le Gouvernement prévoit l'utilisation, de manière transitoire, du stock disponible dans les conditions actuelles d'anonymat, les dons futurs étant intégrés dans une base de recueil des consentements qui aura été solidement constituée.

Ce décalage dans le temps ne contreviendra pas au droit fait aux enfants d'accéder à leurs origines à leur majorité. Cependant, la loi n'est pas rétroactive : contrairement aux dons nouveaux, qui s'effectueront uniquement sur la base du consentement du possible accès aux informations identifiantes ou non identifiantes des donneurs à la majorité de la personne née d'un don, le consentement du donneur dans le cas des dons antérieurs à la loi sera recherché, lors de la demande d'accès des majeurs, par une commission d'accès aux données nouvellement créée. La levée de l'anonymat à la majorité ne contrevient nullement au nécessaire anonymat du don, qui ne peut donner lieu à aucune contrepartie et qui est encadré de telle manière qu'il éteint tout recours visant à l'établissement d'une filiation.

Les échanges sur cette question nous ont conduits à rejeter en commission la possibilité du don dirigé. Au-delà des réserves que ces dons suscitent au regard du risque de contrepartie financière, la présence d'un donneur connu dans le cercle rapproché de l'enfant pourrait fragiliser la construction de sa relation avec son ou ses parents ayant eu recours à un don pour édifier leur famille.

La situation particulière du don d'ovocyte au sein d'un couple de femmes ne paraît pas soulever les mêmes objections : il serait intéressant que notre assemblée s'attache à examiner cette situation, en la distanciant quelque peu d'une pratique plus large du don dirigé.

L'encadrement de la conservation ovocytaire doit conduire à ce que le recours à l'autoconservation ne s'effectue que lorsqu'elle représente un réel intérêt. Cette possibilité ne doit en aucun cas nous dispenser d'apporter une bonne information aux jeunes générations, afin qu'elles connaissent et préservent leurs capacités reproductives autrement qu'artificiellement.

Nos débats en commission nous ont amenés à nous interroger sur la poursuite post mortem d'un projet parental engagé par AMP. En dehors des conditions psychologiques, qu'il nous faut bien évidemment prendre en compte, le débat apparaît pleinement légitime dans le cadre de l'extension aux femmes seules de la possibilité de recours à l'AMP, mais il apparaît également compliqué au regard de l'établissement de la filiation. Aussi les opinions pourront-elles, sur cette question comme sur bien d'autres, se croiser : certains points de vue, très opposés sur d'autres sujets, pourront s'accorder, quand bien même leurs arguments en faveur ou en défaveur de la poursuite d'une AMP seraient différents.

L'extension de l'AMP à toutes les femmes a largement ouvert le débat sur le mode d'établissement de la filiation. La proposition initiale du Gouvernement d'un mode d'établissement de la filiation distinct pour les couples de femmes n'avait pas trouvé beaucoup de soutien auprès des différents acteurs auditionnés, qui la jugeaient stigmatisante. L'amendement adopté en commission prévoit que, pour les couples de femmes, une reconnaissance anticipée de l'enfant soit effectuée devant notaire en même temps que le consentement à l'AMP, sur un modèle identique à celui pratiqué pour les couples hétérosexuels non mariés devant l'officier d'état civil. Cette démarche simple permettrait ensuite de déclarer la naissance de manière identique pour tous les couples, en portant seulement la reconnaissance anticipée sur l'acte de naissance.

D'aucuns pourraient estimer que nous pourrions simplifier davantage, en permettant aux couples de femmes mariées de faire établir l'acte de naissance directement, dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels mariés. Mais dans l'état actuel de notre droit, fondé sur la vraisemblance biologique, une telle disposition ne serait pas protectrice pour la mère qui n'accouche pas.

La proposition qui nous est soumise aujourd'hui sur ce point paraît très satisfaisante au regard de l'extension de l'accès à l'AMP pour toutes les femmes, car elle est simple et cohérente et ne remet pas en question le droit actuel, toute réforme approfondie du code civil ne pouvant se concevoir que dans le cadre d'un projet de loi spécifique, et donc dans le temps long.

Mon groupe formulera d'autres observations et propositions sur les autres titres de ce projet de loi, qui seront détaillées tout à l'heure.

La sérénité des travaux en commission a permis des évolutions importantes. Si les opinions peuvent parfois être diverses – sur la levée de l'anonymat des donneurs, sur l'AMP, sur la recherche entre autres – le groupe du Mouvement démocrate et apparentés entend bien que cette sérénité se perpétue dans les débats en séance publique, afin que nous puissions rédiger la loi de manière éclairée et en bonne intelligence, ce pour quoi nous avons été élus.

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