Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Tout d'abord, l'ouverture à toutes les femmes des techniques de procréation médicalement assistée est bien une démarche d'égalité et de liberté, car avec les mêmes capacités reproductives, certaines personnes qui n'arrivent pas à avoir d'enfant ont le droit à une assistance médicale et d'autre non, au seul motif de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur statut conjugal. Il n'y a pas de raison de maintenir cette inégalité de traitement pour une situation semblable. Et cela participe de la liberté fondamentale de disposer de soi, de son corps, de ses propres capacités reproductives.

On a le droit de penser que la PMA, en tant que technique médicale de manipulation du vivant, devrait être interdite. On a le droit de penser que le don de gamètes pose trop de problèmes, et qu'il devrait être interdit. Mais il faut être conséquent : soit il faut autoriser ces techniques pour tous, soit il faut les interdire pour tous. C'est l'égalité des droits qui doit prévaloir en République.

Le groupe La France insoumise considère que le débat de bioéthique sur les techniques d'assistance médicale à la procréation a été tranché par la loi de 1994, qui les a autorisées pour les couples hétérosexuels, y compris la PMA avec donneur. La technique est strictement la même qu'il s'agisse d'un homme et d'une femme, de deux femmes ou d'une femme seule. Il s'agit bien davantage d'une question d'égalité que d'une question d'éthique. Et l'égalité, cela ne se minore pas, cela ne se conditionne pas. L'égalité est un principe simple : les mêmes droits pour tout le monde ! Ni plus, ni moins. Nous voulons l'égalité pour toutes les familles. C'est le premier principe qui doit guider nos délibérations.

Car ce texte va changer profondément la vie de nombreuses personnes, et notamment de femmes. Je me réjouis que cette discussion puisse enfin avoir lieu. Enfin !

Je déplore qu'il ait fallu tant de temps pour en arriver là. Depuis 2013, des femmes attendent avec angoisse cette décision d'égalité. Car le temps passe, et certaines ne pouvaient pas attendre six ans pour mener à bien leur projet parental. Chaque année de report de la loi, ce sont des femmes qui dépassent l'âge à partir duquel elles ne peuvent plus faire appel à la PMA. Certaines ont dû se résoudre à aller à l'étranger, en faisant un sacrifice financier conséquent. D'autres ont dû amèrement renoncer à leur projet parental, du fait du retard du législateur.

Il est plus que temps.

Mais, malheureusement, si nous étions partis sur une loi d'égalité, celle-ci s'arrête en chemin. Cette loi ne va pas assez loin et, au lieu de consacrer vraiment l'égalité, elle crée une nouvelle discrimination : au lieu de permettre à toutes les personnes qui le demandent et le peuvent de recourir aux techniques d'assistance médicale à la procréation, y compris avec donneur, le Gouvernement s'arc-boute sur la notion de sexe à l'état civil.

De nombreux pays ont légiféré sur la PMA sans avoir l'idée de préciser le sexe à l'état civil des personnes concernées. Pourquoi le ferait-on ? Depuis 2016, la loi autorise les personnes à changer de genre à l'état civil sans avoir à subir d'opération stérilisante. En conséquence, certaines ont gardé leurs capacités reproductives et changé de genre à l'état civil. Ce qui veut dire que des hommes peuvent porter un enfant, et accoucher. Ou que deux femmes peuvent concevoir naturellement un enfant. Cela arrive actuellement. Inutile d'en faire un drame ! La société n'a pas à s'immiscer dans la complexité de l'identité de genre d'une personne. Mais pourquoi leur interdire la PMA ? Pourquoi l'autoriser à une femme seule, et l'interdire à un homme qui aurait les capacités de porter un enfant ? Pourquoi la loi contraindrait-elle les personnes transgenres à choisir entre la parentalité et un état civil qui correspond à leur identité de genre ?

J'entends qu'une telle situation ne soit pas habituelle et puisse surprendre. Mais c'est une situation réelle, qui se produit aujourd'hui sans recours à la PMA, et dont il faut tenir compte. Ignorer le réel ou vouloir l'interdire n'a pas de sens.

Les femmes transgenres doivent pareillement avoir le droit d'utiliser leurs gamètes, qu'elles ont autoconservées, dans le cadre d'une PMA, et d'établir leur filiation comme les autres. Encore une fois, l'égalité et la liberté de déterminer pour soi doivent nous guider.

Votez avec nous les amendements qui permettent une PMA universelle, sans discrimination de genre, d'orientation sexuelle, de statut conjugal ou que sais-je encore. Nous voulons simplement l'égalité !

L'égalité, nous la voulons aussi pour toutes les familles devant la filiation : ce projet de loi, en effet, aborde également les questions de filiation. Il faut le faire, bien sûr, pour tirer les conséquences de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes. Mais nous n'avons pas besoin d'inventions complexes pour la filiation de deux femmes, nous avons simplement besoin d'égalité. La PMA avec don de gamètes existe déjà dans la loi, et ne pose pas de problème. La double filiation maternelle existe déjà depuis la loi de 2013, et ne pose pas non plus de problème. Et il existe déjà une filiation sécurisée avec un parent qui n'est pas le géniteur, dans le cadre d'une PMA avec don pour un couple hétérosexuel, qui ne pose pas de problème non plus. La situation est donc très simple : l'égalité de toutes et tous !

La confusion entre conception et filiation est délibérément entretenue par les adversaires de l'égalité des droits, et nous ne devons pas tomber dans ce piège.

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