Intervention de Marine Le Pen

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarine Le Pen :

Chers collègues, nous voilà réunis pour évoquer la révision des lois de bioéthique, dont la mesure principale relève manifestement plus d'une réforme très profonde du droit de la filiation que d'une question bioéthique, la PMA existant depuis longtemps pour les couples infertiles. Vous souhaitez aujourd'hui ouvrir cette PMA à toutes les femmes, en ne conservant que le critère de l'âge et en supprimant donc le critère principal, celui d'une infertilité médicalement constatée au sein d'un couple homme-femme.

Permettez-moi en premier lieu de considérer que ces sujets sociétaux devraient à notre avis être réglés par la société tout entière, à savoir par le moyen d'un référendum. Le référendum permet la tenue d'un vrai débat et légitime les décisions prises, particulièrement lorsque l'Assemblée nationale, en raison du mode de scrutin, est frappée d'une absence totale de représentativité des grands courants de pensée présents dans notre pays.

Dans un second temps, je noterai que, depuis la décennie soixante-dix, tout le droit de la filiation a été marqué par la recherche de la vérité biologique. La disparition de la présomption irréfragable de paternité de l'enfant né dans le mariage a été suivie par bien d'autres choix, allant tous dans le même sens : élargissement des procédures de contestation de paternité, de recherche de paternité, etc. Tout a été fait pour faciliter les démarches de l'enfant afin qu'il puisse accéder à la réalité biologique de sa filiation. Qu'elles viennent d'enfants adoptés, nés sous X, de père inconnu ou par don, les demandes d'accès à leurs origines des enfants privés de leur filiation sont d'ailleurs toujours aussi prégnantes. Elles expriment – nous en sommes tous conscients – une souffrance et une recherche parfois éperdue de la réponse à la question fondamentale que se pose tout être humain : « Qui suis-je ? »

La réforme de la PMA, telle qu'elle est présentée aujourd'hui, rompt subitement avec cette évolution – c'est probablement là son plus grand défaut. Elle va offrir à l'enfant une filiation non seulement improbable, mais en réalité biologiquement impossible : on ne peut pas naître de deux mères – du moins, pas encore. Il ne s'agit pas pour moi de porter un jugement moral ou sentencieux sur la capacité des uns ou des autres à élever des enfants. Oui, deux femmes, ou deux hommes, peuvent très bien élever un enfant et lui donner amour et attention – mais deux personnes âgées aussi. Combien d'enfants ont ainsi été élevés par leurs grands-parents dans l'amour et l'attention ? Pourtant, votre projet de loi ne modifie pas le critère de l'âge.

De la même manière, personne n'ayant le monopole du coeur, chacun peut comprendre le désir de tout homme comme de toute femme de devenir père ou mère, et cela quelle que soit son orientation sexuelle. Néanmoins, le législateur se doit d'apporter une protection à l'enfant avant toute autre considération. Or instituer un mensonge légal en inscrivant dans le marbre ce qui reste une impossibilité biologique, ce n'est pas protéger l'enfant ni respecter ses droits. L'enfant est le fruit d'un père et d'une mère, même si ce père est inconnu, même si cette mère a souhaité accoucher sous X ; et contrairement à vos affirmations, monsieur le rapporteur, un enfant a droit à un père – j'ajouterai : même s'il ne le connaît pas.

Cette vérité, nous la devons aux enfants. C'est la raison fondamentale de l'opposition que j'exprime à ce texte.

Bien sûr, la crainte est grande, même chez les défenseurs du projet de loi, que des considérations d'égalité n'ouvrent dès demain le débat sur la GPA, seul moyen pour deux hommes d'accéder également au statut de pères.

Quant à la marchandisation du corps humain, personne ici ne mettrait sa main à couper qu'elle ne suivra pas logiquement le vote du présent projet de loi, car chacun sait que la pénurie de gamètes entraînera inéluctablement leur marchandisation. Quoi que vous puissiez dire, vous ouvrez la boîte de Pandore. Nous assumons donc de ne pas souhaiter que l'enfant soit un sujet du « marché », terme utilisé dans l'exposé des motifs du projet de loi.

Le temps manque pour évoquer toutes les évolutions inquiétantes qu'ouvrirait ce texte, par exemple le remplacement de la vérité biologique par l'expression d'une volonté ou d'une reconnaissance. Qu'en sera-t-il des hommes reconnus pères, et sur qui pèse à ce titre une contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant qu'ils n'ont pas voulu, qui a été conçu sans leur accord ? Si l'intention devient un acte constitutif de filiation, alors ils pourront se servir de cette absence d'intention pour refuser que soit recherchée et constatée leur paternité. En droit, cela s'appelle le parallélisme des formes.

En conclusion, on ne peut s'empêcher de penser que le législateur joue aux apprentis sorciers sans avoir véritablement mesuré les conséquences de ce texte sur la bioéthique, la filiation, les droits fondamentaux de l'enfant et la marchandisation de l'homme. Cela justifie très certainement les réserves claires et fermes exprimées par l'Académie nationale de médecine, qui, malgré le mépris affiché par le Gouvernement, joue un rôle salvateur de garde-fou.

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