Intervention de Monique Limon

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Limon :

Les enjeux soulevés par ce projet de loi sont cruciaux. Ils nous invitent, nous législateurs, à nous interroger sur la société de demain pour proposer un support législatif cohérent aux évolutions sociétales et technologiques dans le respect de notre éthique. Ces réflexions, parfois de l'ordre de l'intime, dépassent les logiques partisanes.

Pour paraphraser Nietzsche, ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. Nous n'étions pas d'accord sur tout, bien évidemment, mais nous avons été capables de réinterroger nos propres convictions, nos doutes, nos ambiguïtés, afin de trouver des solutions équilibrées à des problèmes complexes, tout en respectant la dignité humaine et le libre arbitre de chacun.

Certains se sont demandé, avec raison, si tout ce qui était techniquement possible était éthiquement souhaitable. Nous ne sommes pas engagés dans une course à la modernité. Nous voulons consolider les valeurs que défend la France en posant des garde-fous, notamment en affirmant notre refus de toute marchandisation du corps humain, la défense et le respect des différences, le droit à la liberté, le principe de la protection des plus faibles et celui de l'accès à la santé pour tous.

Conformément à l'engagement du Président de la République, le présent projet de loi ouvre la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, sans discrimination du fait de leur orientation sexuelle, de leur statut matrimonial ou de leur identité de genre. L'examen en commission a permis, entre autres, de renforcer l'accompagnement de tous les couples ayant un projet de PMA et de préciser la composition de l'équipe médicale qui les accompagnera tout au long du processus.

Je me réjouis que la garde des sceaux ait abandonné le projet de réserver un titre à part dans le code civil aux enfants des couples de femmes. La filiation de ces enfants relèvera du titre VII du code civil, comme celle des enfants de parents hétérosexuels. La reconnaissance des deux mères sera enregistrée devant notaire au même moment que le consentement – obligatoire – au don de gamètes et apparaîtra sur l'acte de naissance intégral de l'enfant.

La PMA post mortem fait l'objet de vives interrogations. Il s'agit de situations rarissimes, que je ne peux pas défendre au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant dans son processus de construction identitaire.

C'est en plaçant l'intérêt de l'enfant au centre de nos préoccupations que le projet de loi organise un changement de paradigme majeur s'agissant de l'accès aux origines.

Désormais, tous les enfants issus d'une PMA avec tiers donneur, que ce soit dans le cadre d'un couple hétérosexuel ou dans celui d'un couple homosexuel, pourront, une fois adultes et s'ils le souhaitent, accéder à leurs origines, y compris à des informations identifiantes sur le donneur. Il s'agit, non pas d'accorder un droit à la rencontre, mais de permettre à ceux qui le désirent de lever le voile sur une partie de leur identité, une fois atteint l'âge de la majorité. Le Comité consultatif national d'éthique indique d'ailleurs, dans son rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique, qu'un consensus existe sur le fait de ne pas cacher aux enfants l'histoire de leur conception. En mettant fin à l'anonymat du don, on prévient aussi certaines maladies pouvant être transmises du donneur au receveur.

Pour assurer un égal accès aux origines de tous les enfants nés d'un don, je serais pour ma part favorable à l'ouverture de ce droit aux enfants nés avant la promulgation de la loi. J'ai d'ailleurs rédigé un amendement en ce sens après avoir rencontré des enfants nés dans cette situation et devenus adultes. Ils ne cherchent pas un père, ils souhaitent simplement identifier leur géniteur, afin de se construire grâce à une meilleure connaissance de soi. Dans ce cadre, il importe d'instaurer un dispositif qui ne soit, pour les donneurs et leur famille, ni violent ni intrusif, et qui leur laisse bien évidemment la possibilité de ne pas donner suite.

Le diagnostic préimplantatoire a lui aussi suscité un long débat en commission. Le projet de loi prévoit en effet de limiter la durée de culture et de conservation des embryons, et de créer un régime distinct pour la recherche portant sur ces derniers et sur les cellules souches embryonnaires. Alors que le taux de réussite d'une fécondation in vitro est de l'ordre de 30 % en France et que la majorité des échecs tient à des anomalies chromosomiques de l'embryon, il me semblerait important de faire évoluer la législation sur les aneuploïdes et d'éviter ainsi aux femmes de vivre des fausses couches à répétition. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Je ne doute pas que la qualité de nos échanges en commission spéciale se perpétuera lors de l'examen du texte en séance publique, afin qu'ensemble, nous fassions perdurer une éthique à la française.

1 commentaire :

Le 03/10/2019 à 17:45, Emmanuel Bernard (Citoyen engagé) a dit :

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Madame la députée, vous parlez "d'éthique à la française"?

Il est important, et urgent ces jours-ci de prendre des cours intensifs de philosophie car cette expression est une ineptie.

Qu'en pensez-vous? Peut-on être députée sans un certain bagage philosophique?

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