Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

À mon tour, je vous félicite pour ce travail, avant de vous livrer quelques remarques.

Une de vos propositions suggère de renforcer les moyens de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) : s'agit-il de renforcer ses moyens humains à périmètre constant, ou s'agit-il de renforcer ses moyens au sens de ses capacités d'agir ? En d'autres termes, envisagez-vous d'étendre le cadre de son action ? Ne risque-t-on pas, dans ce cas, d'empiéter sur les compétences de l'Autorité de la concurrence ou même des tribunaux de commerce ? Faire bouger les lignes risque de provoquer un « effet mikado », et il me semble qu'il faudrait préciser le sens de cette proposition.

Concernant ensuite les propositions n° 31 et n° 32, qui visent à encadrer la création des centrales d'achat et à qualifier d'infraction l'abus de position d'achat particulièrement favorable à l'acheteur – le terme d'infraction mériterait d'ailleurs d'être précisé pour spécifier s'il s'agit d'une infraction pénale –, il me semble qu'elles confondent deux aspects de la question, le comportement des acteurs et la structure du marché.

Au sujet des comportements, vous avez vu juste : l'abus de dépendance économique ne fonctionne pas, pour la simple raison qu'il est mal placé dans le code de commerce. Le code distingue en effet les pratiques restrictives, qui sont condamnées per se, et les pratiques anticoncurrentielles, qui supposent la mesure d'un effet sur la concurrence. Or l'abus de dépendance économique est catégorisé comme une pratique anticoncurrentielle, ce qui implique de démontrer un effet sur le marché, démonstration d'autant plus compliquée à faire que lorsque cela ne concerne qu'une entreprise, l'effet sur le marché est quasi nul.

C'est donc une bonne chose de créer, à côté de l'abus de dépendance économique un abus de position d'achat, mais il faudra veiller à l'inscrire, dans le code du commerce, au rang des pratiques restrictives de concurrence et non parmi les pratiques anticoncurrentielles.

Vous ne mentionnez pas les pratiques de prix abusivement bas, qui sont également classées parmi les pratiques anticoncurrentielles par le code de commerce. Or un boulanger victime de prix abusivement bas pratiqués par une grande surface ne pourra jamais démontrer qu'il y a là une atteinte au marché. Il conviendrait donc de déplacer ces pratiques pour les inscrire parmi les pratiques restrictives.

Cela étant dit sur les comportements, je m'étonne que vous n'abordiez pas la question de la structure du marché. En effet, nous sommes en face d'un marché très particulier, où quatre acteurs – les grandes centrales d'achat – détiennent 25 % du marché. Or les outils dont nous disposons ne sont pas conçus pour cela et ne nous donnent aucune prise sur eux. Pourtant, agir sur les seuls comportements ne suffira pas et ne pourra nous dispenser de modifier la structure du marché. À ce stade, surgit une autre difficulté, puisqu'on ne peut agir sur la structure du marché qu'au moment où s'opèrent des rapprochements et, en l'espèce, ces rapprochements ont déjà eu lieu.

La loi Macron comportait une très bonne disposition, à savoir la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de procéder à une injonction structurelle. Cette mesure a malheureusement été écartée par le Conseil constitutionnel, alors qu'un dispositif semblable existe dans les territoires d'outre-mer. Ne pourrait-on pas demander dans le rapport à ce que cette question des injonctions structurelles soit reconsidérée ?

Quant à l'abus de position dominante, s'il n'est guère opérant, c'est qu'on ne constate pas d'abus de position dominante, au sens où l'entend jusqu'à présent. Il me semble donc que pour permettre à l'Autorité de la concurrence d'agir sur la structure du marché, nous devrions proposer que l'on réfléchisse à une nouvelle définition de la position dominante, adaptée à un marché aussi atypique que celui qui nous intéresse. Tant que subsistera la situation oligopolistique que nous connaissons, vous pourrez certes agir sur les comportements, mais cela ne fera évoluer les choses qu'à la marge.

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