Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du jeudi 26 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Une nouvelle fois, comme lors de chaque examen d'une loi de bioéthique, nous débattons de la définition de l'embryon, alors qu'il s'agit d'une tâche impossible. En vérité, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'on doit lui attribuer une pleine et complète dignité.

Aucun embryon n'est traité comme une chose, ou sans la considération opportune pour ce qui peut devenir une vie humaine. Une dignité totale est donc attribuée à l'embryon.

Sur le plan concret, chacun reconnaît que, s'agissant de la vie, il n'y a pas un passage du « rien » au « tout ». Cela se fait par une opération que les biologistes définissent comme progressive, par étapes. On a d'abord la fusion des deux gamètes, un embryon que les Anglais appellent pré-embryon, puis l'embryon, puis plus tard, après deux mois, le foetus, et cela se poursuit jusqu'au nouveau-né viable.

Quelles que puissent être nos différences philosophiques, chacun d'entre nous sait confusément que, si nous attribuons la dignité totale à tous, la protection n'est pas strictement identique à chacune de ces étapes. Même ceux qui désapprouvent totalement l'usage de stérilets pour des raisons philosophiques ne considèrent pas qu'empêcher la nidation d'un embryon est aussi grave qu'un infanticide. Dans la nature elle-même, le nombre d'embryons formés est plus de deux fois supérieur au nombre des naissances en raison de la sélection impitoyable qui se déroule dans les phases initiales du processus.

En vous écoutant, je comprends toutes les craintes que vous pouvez avoir lorsque nous parlons de « qualité ». Il ne faut pas que ce terme puisse être perçu comme une atteinte à la dignité. Il faut comprendre que la qualité dont nous parlons n'est pas celle que l'on attribue à un objet ; c'est, au contraire, de la qualité humaine potentielle de l'embryon qu'il s'agit, une qualité humaine susceptible de se développer.

Dans l'esprit du projet de loi, le terme est donc utilisé parce que, de fait, in vitro, dès lors qu'il n'y a pas eu la sélection naturelle qui s'opère dans les voies génitales féminines, on trouve de nombreux embryons qui n'ont pas d'aptitude à être viables et à pouvoir jamais s'implanter dans un utérus.

Lors des manipulations, on constate des anomalies, des lésions cellulaires ou tissulaires. Des modifications s'opèrent qui font que la « qualité » de l'embryon n'est pas optimale pour qu'il devienne un foetus et encore moins un nouveau-né. Voilà ce qu'il faut entendre sous ce terme. Inutile de tenir d'interminables débats sémantiques : cela n'a rien d'insultant de dire que des embryons, quand ils ne sont pas de bonne qualité, ne peuvent pas être réimplantés parce qu'ils n'aboutiront jamais à une naissance, parce qu'ils n'iront pas jusqu'à la vie.

Si vous en êtes d'accord, je suggère que nous essayions de nous entendre sur ce sujet et que nous réservions nos combats pour des causes essentielles et fondamentales. Nous avons dialogué cet après-midi de façon constructive et intéressante s'agissant du nombre excessif d'embryons surnuméraires. Voilà une question concrète !

Je le répète, si le terme « qualité » peut effectivement avoir différentes acceptions, il ne constitue pas, en l'espèce, un manque de respect. Au contraire, il permet d'évoquer le fait qu'un embryon n'aura pas la possibilité de devenir un nouveau-né.

Je demande en conséquence le retrait des deux amendements. Il ne faut pas que nous dialoguions à perte de vue sur un seul mot. On pourrait éventuellement lui trouver un synonyme, mais quel intérêt cela aurait-il ?

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