Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du vendredi 27 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Après l'article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Dans la série d'amendements que nous examinons, une moitié propose d'évincer toute possibilité de don orienté ou de don relationnel – je vais expliquer ce dont il s'agit – et l'autre, de les encadrer.

Quelle est la situation actuelle ? Il n'est pas nécessaire de poser un interdit dans la loi puisque cet interdit existe déjà : depuis 2011, les dons dirigés sont prohibés. Malheureusement, personne n'a été capable de faire respecter l'interdiction. La semaine dernière encore, sur une radio publique, un responsable d'un centre d'AMP indiquait que les délais d'attente dans son centre étaient réduits lorsqu'un couple arrivait avec une candidate au don d'ovocytes – non pas en leur faveur, mais pour le pool de candidats à l'AMP. Cet interdit est totalement inopérant, les auditions l'ont montré : tous les responsables de centre d'AMP interrogés ont reconnu qu'il s'agit d'une pratique occasionnelle sans laquelle il leur serait impossible de faire face aux demandes, compte tenu de la pénurie actuelle d'ovocytes, pénurie qu'une interdiction ne manquerait pas d'aggraver.

D'où cette question : si nous renforçons l'interdit, quels moyens pouvons-nous affecter pour surveiller chaque centre d'AMP ? Faut-il poster des agents de police dans chaque centre pour s'assurer des pratiques qui y ont cours ? Même si c'était possible, les agents ne pourraient pas entrer dans les salles de consultation pour vérifier que des personnes ne se livrent pas à des échanges.

L'alternative consiste à considérer qu'il est plus raisonnable d'encadrer une pratique en évitant les effets collatéraux. Le principal effet redouté est la perte de l'anonymat lorsque le don dirigé est effectué pour une personne : la donneuse vient accompagnée de celle qui est censée recevoir le don ; l'enfant sera issu d'une donneuse identifiée et le secret sera rompu, notamment par la famille qui bénéficiera du don. Cette réserve a été exprimée au sein de la commission. C'est la raison pour laquelle je retire l'amendement no 2230 .

En revanche, je maintiens l'amendement no 2231 , qui concerne le don non pas dirigé mais relationnel, c'est-à-dire que le donneur vient donner non pas pour une personne mais pour ce qu'il est convenu d'appeler la banque de gamètes – un vilain mot – , c'est-à-dire le stock global de gamètes. Cela permet de réduire la pénurie et de donner satisfaction aux demandeurs.

C'est une évidence, pour le don d'ovocytes, compte tenu de la pénibilité, de la douleur associée, il est difficile de trouver des donneuses si elles n'ont pas un minimum de motivation. Or la plus grande motivation réside dans le fait de connaître quelqu'un dans son entourage qui souffre d'une infertilité sans solution.

La solution, très modeste, que je propose n'enfreint aucun des principes éthiques fondamentaux et permet de satisfaire l'ensemble des patientes en attente ainsi que les professionnels, qui craignent, si rien n'est fait, de voir s'installer demain une pénurie redoutable.

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