Intervention de Didier Migaud

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

En ce qui concerne le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, nous constatons en effet un écart entre la prévision du Gouvernement pour 2020 et le profil moyen au cours des trois derniers exercices – cela représente à peu près 1 milliard d'euros.

Les évolutions, dans un sens et dans l'autre, peuvent s'équilibrer. Si les taux d'intérêt restent bas, cela redonnera des marges de manoeuvre du côté de la charge liée à l'endettement. Nous n'avons pas d'inquiétude particulière sur l'équilibre prévu entre les dépenses et les recettes, sous réserve que tout soit conforme en exécution, bien sûr, notamment s'agissant des économies à réaliser.

De même que la Cour des comptes, nous notons un effort réel de sincérisation de la part de l'exécutif. Il peut exister encore quelques poches de sous-budgétisation, c'est exact – elles sont essentiellement liées aux OPEX et aux missions intérieures. Le phénomène se réduit de plus en plus, mais il y a toujours un risque, qui peut éventuellement être compensé par de bonnes nouvelles dans d'autres domaines. Compte tenu des informations qui sont les siennes, le Haut Conseil n'est pas en mesure de porter une appréciation plus détaillée sur l'ensemble des dépenses : nous n'avons pas connaissance de tout le projet de loi de finances au moment où nous rendons notre avis. La Cour des comptes pourra vous apporter des éléments complémentaires.

Les enquêtes dont nous avons connaissance font état d'un moral plutôt bon, et même en amélioration en septembre, en ce qui concerne les ménages français. On est plutôt au-dessus de la moyenne. Cela peut avoir des conséquences sur le niveau de consommation et rendre tout à fait possible une légère baisse du taux d'épargne en France, comme le prévoit le Gouvernement, d'une manière d'ailleurs prudente.

Sur le plan international, il peut aussi y avoir des évolutions positives avec des répercussions en France. Je pense, par exemple, à une baisse plus importante du taux d'épargne et à un niveau de consommation plus élevé. Il y a une forte incertitude sur la situation en Allemagne et sur le niveau du rebond qui pourrait avoir lieu dans ce pays – on a de fortes interrogations au sujet de l'industrie allemande et des répercussions de l'évolution du commerce mondial.

On a assisté à une baisse du taux de prélèvements obligatoires (PO) en 2019, du fait de la transformation du CICE. Il ne faut pas l'oublier, même si les objectifs du Gouvernement pour 2020 sont marqués par un moindre effort en matière de dépenses et par une augmentation des réductions d'impôts, ce qui pèsera naturellement sur les indicateurs. Les PO remonteront par rapport à cette année, avec le contrecoup de la transformation du CICE.

Je ne peux pas répondre à la question portant sur les collectivités territoriales. Dans son rapport sur les finances publiques locales, la Cour des comptes a constaté que les objectifs de la contractualisation paraissent tenus, même si l'on manque encore de recul pour apprécier les effets du dispositif. La Cour a formulé un certain nombre de propositions pour l'améliorer.

Il existe de nombreuses interrogations à propos des aspects structurels. Une réflexion est en cours au niveau européen sur le potentiel de croissance, l'écart de production et la définition du solde structurel. Cette approche est fragile, mais c'est encore la moins mauvaise si l'on veut corriger les effets de la conjoncture – et tout le monde convient qu'on doit le faire. Le solde structurel reste intéressant pour apprécier la réalité de la situation dans un contexte où la conjoncture peut bouger. Il n'y a pas d'autre méthode à l'heure actuelle. Une réflexion est engagée et il est souhaitable qu'elle aboutisse compte tenu des interrogations et des incertitudes qui existent : quand on regarde les estimations, on voit qu'il y a des différences au sujet de l'écart de production et des conséquences que l'on peut en tirer en matière de solde structurel.

Sur ce dernier plan, on constate que la France ne progresse pas beaucoup. L'ajustement structurel est faible par rapport aux objectifs inscrits dans la loi de programmation des finances publiques et à ce que prévoient les règles européennes dans le cadre du volet préventif pour les pays se trouvant en dessous de 3 % de déficit. Il n'appartient pas au Haut Conseil de recommander une modification de la loi de programmation mais il pourra peut-être constater, à un moment, qu'il existe un tel écart que cela nécessite le déclenchement du mécanisme de correction. Il est vrai que le projet de loi de finances prévoit, ex ante, un écart important avec la loi de programmation en vigueur. Le Gouvernement a été amené à modifier ses objectifs du fait des conséquences qu'il a tirées du mouvement des gilets jaunes et des décisions prises à la suite du grand débat national, mais la loi de programmation n'a pas été corrigée dans l'immédiat. L'écart entre le PLF pour 2020 et la loi de programmation de 2018 conduit naturellement à s'interroger sur le sens des lois de programmation et sur la programmation en tant que telle.

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