Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Coopération et intégration franco-allemandes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Le 22 janvier dernier, Emmanuel Macron et Angela Merkel renouvelaient à Aix-la-Chapelle le pacte d'amitié franco-allemand signé cinquante-six ans plus tôt par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer. C'est la confirmation d'une conviction partagée : de l'entente et de la coopération franco-allemandes ont toujours dépendu, et dépendent encore, le destin et l'avenir de la construction européenne. Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, Jacques Chirac et Gerhard Schröder, Nicolas Sarkozy, puis François Hollande et Angela Merkel en ont été les témoins, les dépositaires et les acteurs. Ce pacte d'amitié et de coopération renforcée, qui prend la forme juridique d'un traité, nous est aujourd'hui soumis en vue de sa ratification, après l'avoir été aux sénateurs.

Les députés UDI, Agir et indépendants soutiennent évidemment et naturellement cette ratification. L'Europe fait partie de l'ADN de notre famille politique, héritière des pères fondateurs de l'Europe. Une Europe forte est la seule voie permettant de trouver des solutions aux défis que l'époque réserve à notre continent. Nous le savons tous, nous ne pourrons les relever qu'ensemble.

Il nous faut regarder le monde tel qu'il est. Quelle est la réalité qui s'impose à nous ? La question migratoire, l'urgence écologique, les interrogations socio-économiques, les incertitudes sécuritaire… Aucune de ces préoccupations quotidiennes de nos concitoyens ne trouve de solutions efficaces et durables à la seule échelle nationale. Mais nous savons aussi que les doutes, la tentation du repli et des peurs souvent instrumentalisées traversent les peuples d'Europe et rejaillissent sur la confiance dans la construction européenne, son utilité, son bien-fondé même.

C'est parce que l'Europe a douté d'elle-même au cours de la dernière décennie que nos concitoyens ont douté et continuent à douter d'elle. L'Europe a besoin d'une boussole et d'un capitaine qui tienne la barre, par beau temps comme au milieu de la tempête. Le couple franco-allemand est précisément tout à la fois cette boussole et ce capitaine. J'invite ceux qui doutent de la force, de l'efficacité ou de la nécessité de cette alliance à relire et méditer la tribune publiée par Gerhard Schröder en hommage à Jacques Chirac.

Le traité d'Aix-la-Chapelle, qui intervient dans un contexte de gros temps – un Brexit qui se révèle un peu plus chaque jour une impasse pour les Britanniques comme pour les Européens ; un euroscepticisme rampant – , est bien plus qu'un traité d'amitié entre deux pays voisins. C'est un pas de plus dans la construction européenne, la confirmation que nos deux nations si longtemps ennemies, désormais soeurs, ont foi en ce projet, engagé au lendemain du conflit le plus meurtrier de l'histoire.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ses adversaires se recrutent dans les rangs de ceux qui ont principalement pour idéologie le repli sur soi, identitaire ou protectionniste, et n'hésitent pas, au passage, à avancer des arguments mensongers. Car, au fond, que contient le traité d'Aix-la-Chapelle ?

Les objectifs qu'il assigne en matière de coopération économique et de coordination dans les domaines de la défense et de la politique étrangère s'inscrivent dans la parfaite continuité du traité de l'Élysée et des politiques mises en oeuvre depuis lors par nos deux pays. Sur ces points, il n'y a pas de révolution, mais une forme d'actualisation et de renforcement, légitime et nécessaire, du précédent traité.

L'article 8, qui a pu nourrir les fantasmes des opposants à la construction européenne, confirme notre conviction commune que le monde est multipolaire et notre engagement en faveur de la primauté du droit et des institutions internationales. Il ne préfigure nullement un partage du siège français au Conseil de sécurité des Nations unies.

En matière de culture, d'enseignement et de recherche, les articles 9 et suivants prévoient le renforcement des programmes d'échanges et de mobilité, notamment ceux destinés à la jeunesse.

S'agissant de l'intégration économique, l'article 20 fixe comme objectif l'instauration d'une zone économique franco-allemande dotée de règles communes. Il ne s'agit aucunement d'un abandon de souveraineté ; il s'agit de créer les conditions d'une meilleure compétitivité européenne face aux géants continentaux. Nous savons tous que les économies allemande et française ont un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'Union européenne. Le traité suit donc la même logique qui a présidé à la création de la zone euro.

À notre sens, la nouveauté réside davantage dans la volonté affichée d'encourager la coopération transfrontalière. Pour mesurer la portée de cette mesure, il est toutefois indispensable de ne pas la considérer isolément, telle qu'elle figure dans le traité. Il faut l'analyser au sein d'un ensemble plus vaste : la résolution franco-allemande adoptée le même jour que le traité, dont elle constitue le pendant parlementaire, fixe elle aussi l'objectif d'une coopération transfrontalière concrète.

Pour nos territoires frontaliers, cette coopération signifiera, à terme, davantage de mobilité pour les enseignants, la possibilité d'établir des synergies entre établissements de santé, une formation adaptée aux besoins du bassin d'emploi transfrontalier, des réseaux de transport pensés à l'échelle transfrontalière, des simplifications administratives indispensables, notamment pour les travailleurs frontaliers. Ces mesures, prises dans leur ensemble, portent en elles l'espoir de conforter l'Europe du concret, du tangible, du palpable, que chaque citoyen pourra vivre quotidiennement.

Ce traité constitue donc une avancée nécessaire, que notre groupe soutiendra.

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