Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Bioéthique — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Madame la garde des sceaux, j'ai bien noté que le texte prévoit la disposition suivante : « La femme qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe mentionnée à l'article 342-10 engage sa responsabilité. » Cette disposition est parallèle à celle de l'article 311-20 du code civil relative à l'homme qui consent à l'assistance médicale à la procréation.

Toutefois, dans l'article 311-20, d'ailleurs repris dans le nouvel article 342-10, il est précisé, après le passage sur la responsabilité du père envers la mère et l'enfant, que sa paternité est « judiciairement déclarée ».

Vous vous êtes bien gardés, évidemment, d'ajouter cette précision pour les couples homosexuels. Il n'était pas possible d'indiquer que la paternité de la femme serait judiciairement déclarée, pas plus que la maternité.

On aurait pu, pourtant, imaginer une telle disposition, puisque l'on dit aujourd'hui que la femme engage sa responsabilité.

Mais de quelle nature est cette responsabilité ? Est-elle financière, pénale ? En réalité, elle n'est pas qualifiée dans le texte. On ne sait même pas d'ailleurs sous quelle forme elle pourra être reconnue ou appelée.

Toute la limite de votre dispositif juridique se trouve là. Vous arguez de l'égalité du statut des deux mères, mais elle ne peut être que factice. Elle ne sera jamais possible juridiquement. La maternité de la mère qui a porté l'enfant est de fait et de droit. Celle de la deuxième mère, malgré votre tentative de l'établir sur le même pied d'égalité que la filiation naturelle, reste purement théorique et ne se traduira jamais dans la pratique.

Pourquoi suis-je si attaché à cette question ? Parce que, du point de vue de l'intérêt de l'enfant, qui est pour nous tous primordial, je crains les conséquences de ce que vous proposez au cas où, malheureusement, les choses se passeraient mal au sein du couple. Dans l'ordre juridique actuel, fondé sur la réalité et sur la vraisemblance biologiques, le juge dispose de repères précis pour estimer alors l'intérêt de l'enfant en matière de droit de garde ou de pension alimentaire, voire de droit des successions. Mais ces repères n'existent pas dans la nouvelle construction juridique que vous établissez, de sorte que, dans cette hypothèse, l'intérêt de l'enfant sera laissé à l'appréciation quasi subjective du magistrat.

Nous espérons évidemment que tout ira bien, et c'est ce qui arrivera dans la majorité des cas. Mais c'est la responsabilité du législateur que de prévoir le pire, car c'est le rôle du droit, particulièrement en droit de la famille.

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