Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du vendredi 4 octobre 2019 à 9h00
Bioéthique — Après l'article 9

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Berta, vous nous avez fait une magnifique démonstration de ce que la technique sait faire. Il est en effet possible d'établir le génome complet de tout individu, au prix de 100 euros par personne, et de dépister 1 000 gènes en moins d'une journée. Certains pays peuvent donc décider de procéder à l'analyse de 1 000 gènes chez tous les nouveau-nés. Techniquement, nous savons le faire en France aussi bien qu'en Australie. Mais nous discutons ici d'un projet de loi de bioéthique : il faut donc savoir ce que nous souhaitons en matière d'éthique.

L'identification d'un gène anormal, d'une mutation, n'équivaut pas à la découverte assurée d'une pathologie. Il existe des pénétrances inégales, des expressions variables de maladies, même lorsqu'un gène est muté. C'est pourquoi certains dépistages ne sont pas fondés sur le génome mais sur sa traduction biologique, comme le manque d'une enzyme. Il est bien plus important de connaître la réalité de la maladie, par exemple à l'aide d'une goutte de sang, que de savoir si un gène est muté.

Par ailleurs, lorsqu'on recherche 1 000 gènes, on en voit 100 000. Accepter votre proposition aurait pour conséquence de collecter des milliers de données génétiques chez tous les nouveau-nés français. Souhaitons-nous que tous les Français à la naissance disposent de leur génome complet, dont nous ne saurons pas quoi faire ?

Selon la définition de l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – , un dépistage répond à des critères d'évaluation très précis. Le bénéfice pour la santé publique d'une technique de dépistage doit être comparé aux risques encourus dans la population. Je ne pense pas que l'OMS estime que le dépistage de 1 000 maladies rares ait un intérêt : nous ne possédons pas les traitements pour autant de maladies, sans quoi le Téléthon n'aurait plus lieu d'être. Si nous bénéficions de traitements et de prises en charge précoces pour certaines maladies, nous n'avons malheureusement, dans de très nombreux cas, rien à proposer.

Nous tenons compte en permanence des données scientifiques. La HAS évalue systématiquement les programmes de dépistage à l'aune des critères objectifs de l'OMS.

Je ne souhaite pas inscrire le dépistage néonatal dans la loi, car cela impliquerait de se demander pourquoi tous les programmes de dépistage de santé publique ne sont pas considérés de la même manière. De plus, je ne désire pas que ces dépistages soient réalisés à l'aide de techniques génétiques non encore évaluées par la HAS. Peut-être celle-ci en viendra-t-elle à nous indiquer que tel dépistage sera rendu plus sensible, plus adéquat et plus pertinent par l'utilisation d'une technique génétique. Aujourd'hui cependant, cette proposition va trop loin : ce n'est pas parce qu'une technique existe, qu'elle est réalisable et peu coûteuse, que nous souhaitons l'inscrire dans ce texte. C'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.