Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du vendredi 4 octobre 2019 à 9h00
Bioéthique — Article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Je formulerai un avis global sur les tests génétiques dits récréatifs – une appellation qui m'a toujours un peu surpris, comme elle a déjà surpris l'un de nous hier. Malheureusement, ces tests n'ont rien de récréatif.

Dès 1994, le législateur a considéré qu'il fallait circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche – un domaine que je viens de défendre – afin d'éviter toute possibilité d'étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou, plus largement, de convenance.

Je suis, à titre personnel, profondément convaincu qu'il faut maintenir cette prohibition, car les tests récréatifs auxquels de plus en plus de Français ont recours sur internet, le plus souvent sans savoir qu'ils encourent une amende de 3 750 euros, présentent divers dangers, lesquels ont été très bien soulignés dans le numéro du mois de mai 2019 d'un journal de vulgarisation que je vous invite à lire, Pour la science. Ce journal s'est amusé à tester ces entreprises, en leur envoyant par exemple l'ADN de vraies jumelles : il a obtenu des résultats totalement différents !

Comme de nombreuses personnes ont eu recours à ces tests, un groupe intitulé NPE – not parent expected – a fini par être créé sur Facebook. En effet, ce petit jeu qu'il aurait pu sembler intéressant d'offrir le soir de Noël a conduit aux catastrophes qui étaient annoncées : il s'avère qu'environ 15 % d'entre nous n'avons pas le père biologique que nous pensions avoir.

On parle de recherches généalogiques. Or il faut savoir que les bases de données utilisées proviennent à 90 % de travaux scientifiques qui relèvent du domaine public. Y sont ajoutés les ADN qu'envoient les uns et les autres, mais il faut avoir conscience que ces ADN appartiennent tous à des personnes de la même génération. Nos parents, grands-parents ou arrière-grands-parents n'ont pas pu envoyer leur ADN, dont nous ne disposons pas, à moins de déterrer les morts pour faire des prélèvements post mortem, ce qui ne me semble pas une bonne idée. Vendre un outil généalogique à des populations telles que la nôtre, traversée par de forts courants migratoires et caractérisée par une grande mixité, relève du mensonge. Ce n'est pas réaliste, et c'est dangereux.

Ceux qui recourent à ces tests doivent être conscients qu'ils donnent leurs données génétiques à des sociétés privées qui peuvent en faire absolument ce qu'elles veulent. Les groupes pharmaceutiques, du moins ceux qui sont américains, sont sans doute parmi leurs meilleurs clients. L'utilisation des données récoltées par ces entreprises n'est absolument pas encadrée, ce qui a d'ailleurs été récemment remarquablement bien précisé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.

Je ne peux donc donner à ces amendements qu'un avis défavorable, tout en souhaitant, à titre personnel, que soit instituée une structure publique ou conclu un partenariat public-privé à la française, qui nous permette de traiter ces données génétiques entre nous, d'encadrer leur usage et de les protéger. Avis défavorable.

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