Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du lundi 7 octobre 2019 à 16h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat sur la politique migratoire de la france et de l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Comment ne pas être saisi d'un grand doute sur les raisons qui motivent l'irruption de ce débat sur l'immigration, sans texte ni vote ?

Déjà, pendant le grand débat, le Président de la République avait – sans résultat, il faut bien l'avouer – agité ce sujet sous le nez des gilets jaunes qui voulaient, eux, parler de justice fiscale, de salaires et de service public. Comment ne pas supposer que, sans réponse sur ces sujets qui forment le premier rang des préoccupations des Français, vous songiez à dégainer la martingale d'un débat sur l'immigration ?

C'est une tentation d'autant plus dangereuse que vous engagez ce débat dans la plus extrême confusion, mélangeant politique migratoire et droit d'asile, mais aussi ségrégations sociales et territoriales.

La confusion vient aussi de ce que certains membres du Gouvernement déclarent attendre de ce débat qu'il « arme notre pays ». Mais contre qui faut-il s'armer ? Comment ne pas comprendre que ce sont d'abord nos compatriotes issus de l'immigration, certains depuis trois, quatre ou cinq générations, qui sont la cible d'un tel discours, qui seraient la source de l'insécurité culturelle dont s'inquiète Emmanuel Macron ?

Vous prétendez regarder la réalité en face mais, en posant si mal ce débat, vous jetez sur elle un voile de brouillard. Il lui faut au contraire de la clarté. Cette clarté nous impose d'abord de reconnaître à quel point ce monde est fou : d'une part, des capitaux circulent librement à la vitesse de la lumière ; de l'autre, on opère un tri tatillon des êtres humains, entre réfugiés politiques, migrants fuyant la misère, sinistrés des catastrophes et main-d'oeuvre à exploiter.

Alors, de quoi parlons-nous – ou plutôt, de qui ? S'il s'agit des réfugiés, n'oublions pas que c'est d'abord le Sud qui supporte les malheurs du Sud en accueillant 90 % des réfugiés, et que la France ne brille pas par son hospitalité puisqu'elle n'occupe que la quatorzième place des pays de l'Union Européenne sur les cinq dernières années.

Voyez, par exemple, la situation scandaleuse de la porte de la Chapelle, là où je vis et où se trouve ma circonscription. L'État y laisse à la seule responsabilité des ONG et des citoyens bénévoles seuls responsables du sort de trois mille êtres humains, stockés – il n'y a pas d'autre mot – aux confins de Saint-Denis et d'Aubervilliers. C'est une situation absolument inhumaine pour les réfugiés et insupportable pour les riverains. Vous pouvez décider sans délai de les héberger et de leur faire un accueil digne. Et si les mots du Président sont sincères, vous pouvez même demander aux beaux quartiers d'y contribuer.

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