Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du jeudi 3 octobre 2019 à 9h10
Délégation aux outre-mer

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

En ce qui concerne Saint-Martin, nous sommes pleinement mobilisés. Je tiens d'ailleurs à vous dire que nous évoquons très régulièrement le cas de l'île au conseil des ministres, car il y va de la politique européenne, bien sûr – je vais y revenir dans le détail –, mais également de l'ensemble des politiques publiques nationales. Je voulais donc me faire la porte-parole de mes collègues du Gouvernement, qui portent une attention particulière à la situation de Saint-Martin.

Pour vous répondre plus précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, la gestion du programme INTERREG à Saint-Martin et du financement provenant du Fonds européen de développement (FED) pour la partie néerlandaise de l'île est très complexe ; il faut savoir le reconnaître. Je ne vais pas vous dire que tout cela est très simple. Les difficultés tiennent en partie au contexte post-Irma, car l'ouragan n'a pas amélioré les choses, mais aussi à l'histoire, que nous connaissons tous, et à la coopération entre les deux parties de l'île. Nous souhaitons – et je parle aussi en ma qualité de diplomate – que cette coopération s'améliore ; j'ai d'ailleurs des échanges réguliers avec mon homologue néerlandais, qui s'est rendu il y a quelques mois à Saint-Martin. Il m'a dit en souriant que c'était la seule frontière que nous partagions. Je lui ai alors rappelé qu'elle était essentielle, et qu'il fallait d'ailleurs qu'elle soit un peu moins une frontière, c'est-à-dire que nous réussissions à coopérer activement. Vous me direz qu'il n'y a pas de frontière physique ; certes, mais il s'agit tout de même d'une frontière administrative.

La perte des fonds du fait du dégagement d'office serait effectivement très dommageable : nous voyons bien que Saint-Martin a particulièrement besoin de projets associant les deux parties de l'île, dans le cadre de la reconstruction, mais aussi pour créer de grandes infrastructures, satisfaire ses besoins énergétiques, ou encore procéder au traitement de l'eau. Pour remédier à tous ces problèmes, il serait utile à la population que les projets soient menés en commun. Nous sommes totalement engagés – y compris, bien entendu, la ministre Annick Girardin – pour faire comprendre à la Commission européenne qu'il faut tenir compte du fait que les retards s'expliquent par la situation sur place, au niveau tant administratif qu'humanitaire, social et démocratique, qui s'est trouvée très dégradée après le passage de l'ouragan Irma.

En ce qui concerne plus spécifiquement la gestion des fonds européens, le Premier ministre a déjà été interrogé par le président de la collectivité de Saint-Martin. Force est de constater que la gestion de ces fonds est très complexe. En conscience, il a été décidé que les conditions n'étaient pas vraiment réunies pour qu'ait lieu un transfert de l'autorité de cette gestion de l'État vers la collectivité. En effet, compte tenu de la lourdeur des procédures, dont je viens de parler, ce n'est pas forcément un cadeau à vous faire. En revanche, il a été acté que la collaboration entre les services de l'État et la collectivité devait être bien meilleure : il faut travailler en bonne intelligence pour faire émerger les projets, déclencher leur financement et suivre leur déroulement. Certes, il devrait en aller de même dans tous les territoires, mais c'est encore plus important dans les territoires fragilisés et vulnérables.

Nous sommes donc très actifs en ce qui concerne Saint-Martin. Il faut nouer le dialogue, car l'idée n'est absolument pas de considérer que l'État fera tout et la collectivité rien : comme la gestion des fonds est très lourde sur le plan administratif, l'État en assume la responsabilité, mais en collaboration avec la collectivité. J'espère avoir répondu à vos inquiétudes. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous dire, ainsi qu'à la population que vous représentez, à quel point nous sommes conscients du fait qu'il faut encore beaucoup travailler, notamment autour des outils européens, et y compris avec le reste de l'île.

Monsieur Adam, vous m'avez interrogée, en faisant oeuvre salutaire de pédagogie, sur la liste des produits exonérés de l'octroi de mer. Ainsi, vous avez retracé l'historique du dossier et expliqué où nous en sommes. En décembre 2018, le commissaire européen Pierre Moscovici avait annoncé une liste de 84 produits locaux supplémentaires qui pourraient bénéficier d'une réduction ou d'une suppression de la taxe d'octroi de mer. Vous le savez, le dispositif découle du règlement général d'exemption par catégorie en matière d'aides d'État. Dans le cadre européen, réduire la fiscalité pour des territoires ou des produits spécifiques suppose un travail de notification pour s'assurer de la loyauté de la compétition économique au sein de l'Union européenne. En l'espèce, les enjeux sont très spécifiques. D'ailleurs, vous avez raison : il est sain que votre délégation se penche sur la question de la vie quotidienne des habitants des territoires ultramarins. La vie chère outre-mer est effectivement une réalité à laquelle il faut que nous réfléchissions, et nous devons avancer.

Nous sommes très attachés à ce dispositif d'exemption et l'avons rappelé à la Commission, tout en lui démontrant son efficacité économique et son utilité en termes de gestion de l'emploi dans les territoires. Nous avons souligné que les handicaps qui motivent ce régime existent toujours – car, bien que nous travaillions chaque jour à développer les territoires, il faut continuer à soutenir l'activité locale –, que son utilisation est bien proportionnée et que ses effets sur le développement économique sont prouvés. À notre demande, la Commission a engagé des travaux en vue de reconduire le régime à partir de 2021, et un cabinet d'expertise externe indépendant a été chargé de mener une évaluation. J'en suis très contente car, trop souvent, quand un pays s'exprime sur ce genre de question, on a l'impression qu'il cherche à manigancer. Nous suivrons ces travaux de très près. Votre rapport sera lui aussi une pierre intéressante apportée à cet édifice de rationalisation et de factualisation. Il y aura là des arguments utiles pour nous permettre, dans le futur, non seulement d'élargir le régime, mais surtout de rappeler son intérêt économique factuel, aussi bien pour améliorer le niveau de vie des populations que pour favoriser le développement économique – les deux marchent ensemble.

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