Intervention de Philippe Gomès

Réunion du jeudi 3 octobre 2019 à 9h10
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

Je vous remercie à mon tour, madame la secrétaire d'État, d'avoir pris le temps nécessaire pour venir échanger avec les membres de la délégation aux outre-mer, qui en sont extrêmement honorés.

Vous avez dit que la France avait une responsabilité particulière à l'égard des PTOM – c'est la fameuse idée de la France des trois océans, qui n'est pas seulement une formule marketing. Or l'Europe a elle aussi une responsabilité, parce qu'elle trouve dans les collectivités françaises du Pacifique une ultime déclinaison dans cet océan. La France et l'Europe ont donc une responsabilité particulière à l'égard de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Cette responsabilité est d'autant plus particulière, madame la secrétaire d'État, que le Président de la République, à l'occasion de sa venue en Nouvelle-Calédonie, en mai 2018, a prononcé un discours important au théâtre de l'Île, à Nouméa, dans lequel il insistait sur la nécessité de donner corps à un axe indopacifique. En effet, il a dit clairement – ce qui n'a pas beaucoup plu, d'ailleurs – que « la Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas » dans notre région. De fait, nous vivons cette réalité tous les jours, très concrètement. L'axe indopacifique fort que le Président de la République appelle de ses voeux, auquel la France et l'Europe doivent contribuer, est bien sûr l'axe Paris-New Delhi-Canberra, mais il a eu l'amabilité, la gentillesse – peut-être aussi la lucidité – d'y inclure Nouméa et Papeete. Tout cela pour dire que le gouvernement de la République française doit prêter une attention extrême aux PTOM du Pacifique car, au cours du siècle à venir, cette région sera le nouveau centre de gravité de la planète ; être en charge des affaires européennes suppose aussi d'avoir conscience de cette situation.

Au-delà des généralités, comment ce constat doit-il être décliné concrètement ? D'abord, dans la négociation du contrat financier pluriannuel, c'est-à-dire de l'instrument financier dédié pour les PTOM. Comme le sujet a déjà été abordé, je n'y reviendrai pas, sinon pour dire qu'il faut être attentif non seulement à la taille de l'enveloppe, mais aussi à l'équité de traitement entre le Groenland et nous, puisque désormais la question se pose dans ces termes. Sur ce point, il ne faut pas « lâcher l'affaire », pour reprendre une formule appréciée par la jeune génération ; il faut se battre pour préserver nos intérêts. C'est une modeste affaire de dépendances, mais on sait bien que, parfois, c'est dans ces endroits que se jouent les moyens d'existence.

Ensuite, de manière plus fondamentale, il faut s'interroger sur la place des PTOM dans la négociation des accords post-Cotonou. L'accord de Cotonou, qui concerne 79 pays d'Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique, arrive à échéance en 2020. On sait qu'il y aura une gouvernance dédiée et que des partenariats régionaux seront instaurés. Dans ce cadre, la possibilité d'une coopération entre les pays ACP et les PTOM a été envisagée. Nous qui sommes les représentants de la France et de l'Europe dans la région du Pacifique, comment pouvons-nous être associés, participer d'une manière ou d'une autre à la négociation des accords post-Cotonou ? Il ne s'agit pas seulement pour nous d'être invités à la table : nous considérons qu'il serait bête que l'Union européenne ne s'appuie pas sur les PTOM français pour mener les actions européennes dans cette région ; qu'il serait quand même dommage de ne pas donner la possibilité aux PTOM français de nouer des coopérations avec les pays ACP ; qu'il serait regrettable de ne pas permettre aux PTOM français de s'intégrer davantage dans la région du Pacifique. La France, l'Europe et les PTOM français du Pacifique ont vraiment un intérêt commun à contribuer à construire un axe indopacifique fort. Il faut renforcer la présence de l'Europe dans cette région du monde, à un moment où la Chine est en train de prendre toutes ses aises.

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