Intervention de Jean-François Eliaou

Séance en hémicycle du mardi 8 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Après l'article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Vous l'avez dit, madame Obono, nous évoquons des situations extrêmement difficiles et douloureuses, qui peuvent entraîner des séquelles émotionnelles et psychologiques, non seulement chez l'enfant, mais également dans son entourage.

Je vais expliquer pourquoi je demande le retrait de l'amendement comme celui de l'ensemble des amendements similaires portant sur la prohibition des actes dits « de conformation » ou « d'assignation sexuée », au profit de l'amendement no 2334 que soutiendra ultérieurement M. Raphaël Gérard.

La réponse que nous devons apporter en tant que législateur doit découler, comme je l'ai dit en commission spéciale, d'études dont nous avons besoin pour préciser le cadre des pathologies extrêmement compliquées qui font l'objet de consultations complexes. Certains patients présentent des signes semblables en raison de causes très différentes. Face à des tableaux cliniques qui peuvent être variés et complexes, les différentes attitudes thérapeutiques peuvent également être très variables.

C'est la raison pour laquelle nous devons légiférer avec beaucoup de prudence, après avoir obtenu des études absolument indispensables. C'est aussi pour cela que l'amendement no 2334 prévoit, à juste titre, la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce type de pathologie.

Ce dernier amendement vise également à mettre en place un dispositif permettant d'organiser l'orientation systématique des enfants qui présentent une variation du développement génital vers l'un des quatre centres qui se trouvent sur notre territoire national, à Paris, à Lyon, à Lille et à Montpellier.

Les équipes pluridisciplinaires de ces centres, spécialement formées pour cela, devront fournir aux enfants et à leurs familles des informations et un accompagnement psychosocial adapté – j'insiste sur le mot « accompagnement ».

Pour l'instant, et en l'absence d'étude exhaustive, l'amendement no 2334 constitue le dispositif le plus raisonnable qui me semble pouvoir être adopté en l'état de nos connaissances sur le sujet. C'est aussi celui qui correspond aux préconisations du Conseil d'État, dans l'étude qu'il a adoptée le 28 juin 2018 sur la révision de la loi relative à la bioéthique – je vous renvoie aux pages 141 et 142 de ce document.

Je vous propose donc de faire, avec l'amendement no 2334 , une première avancée qui pourrait être complétée ensuite par d'autres mesures en fonction des résultats des études que nous demanderons sous la forme d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement.

Je rappelle aussi que nous ne sommes pas dépourvus d'outils réglementaires ou juridiques. Pour les cas les plus graves d'atteintes non justifiées à l'intégrité corporelle de l'enfant, que certains amendements qualifient de « mutilations », notre droit comporte déjà, en effet, des règles de prohibition tout à fait applicables aux cas où de telles atteintes n'auraient été motivées que par une finalité d'assignation. Ce point me semble important : les praticiens qui pratiqueraient une opération uniquement motivée par l'urgence d'assigner un sexe à un enfant seraient condamnés.

Par ailleurs, selon une règle de déontologie médicale en vigueur, codifiée à l'article R. 4127-41 du code de la santé publique, « aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement ». Les cas de mutilations évoqués par certains amendements tombent donc déjà sous le coup de cette prohibition.

Enfin, je vous signale que nous avons reçu ces dernières heures une pluie de sous-amendements et que certains d'entre vous ont également déposé des amendements, deux voire plus, tous très différents quant à leur contenu. Cela montre bien que, sur cette question, la main du législateur est encore tremblante et hésitante.

Après ces explications, monsieur le président, je me permettrai donc d'indiquer que je suis défavorable à cet amendement comme à ceux qui le suivent sur le même sujet, et sur lesquels je ne motiverai pas systématiquement cet avis.

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