Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 8 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Après l'article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Pour notre part, nous pouvons déjà nous satisfaire que des amendements sur ce sujet soient discutés et que le Gouvernement se déclare favorable à l'un d'entre eux. En effet, lorsque nous avons commencé à soulever cette question, on nous a opposé qu'elle n'avait pas à être traitée dans le cadre du projet de loi. On a ajouté qu'il n'y avait pas grand-chose à faire, d'autant que tout cela était déjà encadré.

De toute évidence, ce n'est pas le cas : la position du Gouvernement sur un amendement de la majorité constitue, d'une certaine manière, une concession en faveur de nos arguments.

Madame la ministre, si des interdictions existent bien, il nous semble qu'elles laissent encore une part trop large à des pratiques beaucoup trop invasives, qui remettent en cause le libre choix des personnes et leur consentement quant à leur propre corps – ce n'est pas une question de technicité, mais d'éthique.

J'ajoute que des pratiques illégales existent aussi : de toute évidence, la loi, en son état actuel, n'est pas assez protectrice. Je veux citer, à cet égard, des cas concrets. Selon les chiffres du SNDS, le système national des données de santé, il y a eu, en 2017, au moins sept vaginoplasties avec réduction du clitoris pratiquées sur des enfants de moins de un an. Les associations relatent davantage de cas, et elles en trouveraient encore plus si elles faisaient des recherches approfondies. J'espère que les rapports que nous demanderons fourniront des éléments chiffrés complets à ce sujet.

Les opérations dont je viens de parler sont pratiquées dans des centres de référence, ceux-là mêmes où vous voulez envoyer systématiquement les enfants et leur famille. La solution ne réside donc pas dans l'orientation vers des centres qui pratiquent des opérations mutilantes – ce n'est pas nous qui utilisons ce mot, monsieur le rapporteur, mais les associations, les personnes concernées, qui témoignent depuis plusieurs années, et les organisations de défense des droits humains.

Un avis de la direction générale de la santé, adressé au Conseil d'État dans le cadre d'un contentieux précise bien que les opérations de conformation sexuée ne répondent pas à un risque médical direct, que certaines sont interdites, et que seule la personne concernée est à même d'apprécier si elle souhaite en bénéficier, et non le corps médical, aussi performants que soient le savoir et les techniques.

Il existe donc une véritable contradiction entre ce que vous nous dites, madame la ministre, et les chiffres donnés par votre ministère, qui attestent que des opérations invasives, mettant en cause le libre choix des personnes, ont lieu sur des enfants de moins de un an. Et chacun, ici, a certainement eu connaissance des alertes sur le renvoi systématique aux centres de référence.

Nous ne débattons pas de ce sujet pour la première fois, puisqu'il a déjà fait l'objet de plusieurs amendements dans la discussion, mais nous aimerions qu'une avancée concrète soit réalisée, afin de répondre aux alertes multiples et documentées sur les actes de conformation sexuée.

Nous nous félicitons que des rapports soient envisagés pour étayer la question. Toutefois, étant donné les éléments dont nous disposons, il est possible de prendre dès maintenant une décision et d'envoyer ainsi un signal clair, afin que cessent purement et simplement des opérations qui portent atteinte au libre choix des personnes et à leur droit de disposer librement de leur corps, droit qui vaut également pour les enfants.

C'est, je crois, ce qui est attendu de nous alors que nous discutons d'un projet de loi de bioéthique.

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