Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 8 octobre 2019 à 21h30
Bioéthique — Après l'article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Obtenir des compromis dont on se satisfait personnellement ne justifie pas de balayer tout d'un coup le travail accompli, parfois de manière très transpartisane, et de balayer aussi la parole des personnes concernées par le sujet. Je voudrais donc prendre le temps qu'il faut pour dire une fois de plus pourquoi ces personnes sont opposées à ces amendements qui systématisent l'orientation des enfants intersexes vers les centres de référence.

Si la centralisation des enfants présentant des variations du développement sexuel dans un nombre restreint de centres peut peut-être permettre une meilleure vigilance sur les pratiques subies et sur le respect du consentement de la personne, les amendements présentés tendent, comme ceux qui demandent un rapport, à se substituer à la prise en compte du consentement.

Plusieurs ne prévoient même la prise en compte du consentement que dans les cas où l'enfant est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Cela signifie que les parents pourront donner leur aval à des mutilations jusqu'à un âge avancé de l'enfant.

En outre, le recours, dans ces centres de référence, à des équipes pluridisciplinaires ne garantit absolument pas une prise en compte respectueuse du consentement de l'enfant. Aujourd'hui, les mutilations continuent dans les centres de référence, les médecins qui y exercent adoptant, pour la plupart, une approche extrêmement stigmatisante et pathologisante des variations intersexes.

En l'état, ces amendements semblent donc, pour les associations des personnes concernées, absolument incompatibles avec une avancée des droits intersexes, car ils entérinent la prise de décision par les médecins des centres de référence et par les parents, concernant des actes médicaux d'altération des caractéristiques sexuelles sans urgence vitale.

Encore une fois, on peut balayer cet argument et se féliciter d'un compromis interne à La République en marche. Nous ne nous en félicitons pas, et nous le regrettons d'autant plus que, depuis deux ans, nous avons participé activement, à travers le groupe d'étude sur les LGBTphobies dans le monde, mais aussi par des travaux écrits. Nous avons encore démontré, par plusieurs amendements similaires, notre volonté d'aboutir à ce que soit au moins voté, dans ce texte, quelque chose d'un tant soit peu significatif.

Malheureusement, nous constatons avec beaucoup d'amertume que ce compromis trouvé en interne, grâce au travail collectif, à la pression et à des interpellations multiples venues de tous les bancs, ne répond pas de manière significative à une réalité extrêmement grave, extrêmement blessante et humiliante, pas simplement pour les personnes concernées, mais pour ce que nous sommes, nous, collectivement, comme société.

C'est le seul point sur lequel je rejoindrai peut-être ma collègue de La République en marche : la responsabilité collective. Aujourd'hui, nous sommes responsables collectivement de ne pas donner, au-delà d'un simple signal, une règle formellement actée qui interdise les mutilations sur les personnes intersexes. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons avec regret sur cet amendement.

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